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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tinchebraye marcha vers cet élément essentiel de la machinerie. Joubert et Ogier le rejoignirent et l’aidèrent à se soulager de son fardeau.
    — Nous sommes bien chanceux, dit-il. Voyez : plutôt que de la terre, ils ont mis des pierres dans cette huche, et le miracle, c’est qu’elle s’est peu disjointe en tombant… Sortons tous ces moellons comme des gens accoutumés à cet ouvrage. S’il le faut, en attendant de voir ce qui se passera, nous pourrons nous mettre à couvert : il y a, là-dedans, de l’espace pour trois.
    Ogier saisit le quartier de roc que le soudoyer lui présentait, et le transmit à Joubert, qui le laissa choir presque à ses pieds.
    — Il y en a beaucoup… Faut épargner nos forces, messire…
    Des cohortes d’Anglais et de Gascons passaient, armés d’épieux et de grands arcs. Ces trois hommes occupés à vider une huche les laissaient indifférents.
    — Ces démons ne pensent qu’à la victoire, dit Joubert entre ses dents.
    « Il parle trop », songea Ogier. Mais c’était de cette façon-là que le pennoncier dominait sa peur. Il devait essayer, lui, de faire comme Tinchebraye : grogner quand un péril semblait imminent et qu’un homme d’armes ou une centurie passait tout près et semblait prendre en pitié ces réparateurs d’un engin dont on n’aurait sans doute aucun besoin.
    Enfin l’énorme baquet de bois fut vide. Tinchebraye s’enfonça dedans le premier. Joubert allait l’y rejoindre quand un homme s’approcha :
    — Holà, les gars !… Que faites-vous ?
    Un mercenaire de langue d’oïl. Ogier frémit et fit front :
    — Tu le vois bien, nous vidons cette huche afin de remettre la perrière en état.
    — Vous êtes deux ! Faudrait que vous soyez dix ou douze !
    L’homme riait dans l’ombre de son chapel de Montauban. Une vieille broigne raccourcie aux genoux battait ses cuissières, et si sa paume senestre reposait sur le pommeau d’une coustille, il portait dans son dos une lame longue, épaisse, dans un fourreau de fer.
    — À si peu, dit-il, vous y serez encore après-demain !… La cité sera conquise…
    — Nous attendons des compagnons.
    Ogier frissonnait, le dos et le ventre glacés. Le mercenaire sourit, bienveillant :
    — D’où que tu es ? À ta voix j’en devine rien.
    — Va donc le demander à Raoul de Cahors !
    C’était une réponse hardie, et même folle, mais à Chauvigny, six mois plus tôt, lorsque la conquête du Poitou avait été décidée, Cahors s’était félicité d’obtenir un commandement.
    — Ah ! bon… Cahors et tous les chefs soupent avec Derby.
    Il y eut un silence. L’homme paraissait porté sur la parlure. Peut-être se sentait-il seul dans cette immense armée d’Anglais et de Gascons.
    — Voulez-vous que je vous aide ?
    Il fallait repousser cette offre sans pour autant désobliger ce malvenu. S’il s’avançait encore, il verrait Tinchebraye recroquevillé dans la huche.
    — Non… Nous attendons des gars et notre capitaine, qui lui ne mange pas avec Derby, bien qu’il soit Anglais… S’il te voyait avec nous…
    « Que vais-je lui dire encore ? » Ogier s’empêtrait. Soudain, l’homme s’adressa à Joubert, immobile, indécis, la main prête à saisir sa lame.
    — Si ça se trouve, petit, nous serons près de la même muraille demain matin… C’est pas pour rien que Derby, à none [25] , a chevauché tout autour de la cité… Il donnera l’assaut en trois endroits, mais je ne sais lesquels…
    Le mercenaire s’en alla sans plus rien ajouter, sans se retourner, tandis qu’Ogier et le pennoncier échangeaient un sourire.
    — Merdaille ! soupira le jouvenceau dont le visage ruisselait. On a beau avoir des couillons bien accrochés, il y a des moments où on les sent plus ; et on a beau tâter son épée, on se demande si elle ne va pas peser trop lourd, même si on la tient à deux mains.
    —  Merdaille  ? grogna Tinchebraye du fond de son refuge. Pourquoi merdaille  ? Ça s’est bien passé, il me semble ! Viens, Joubert : faut se garder en attendant je ne sais quoi…
    Le pennoncier rejoignit Tinchebraye. Ogier lança un regard sur le pont. Les guetteurs lui montraient leur dos. Se tournant vers la gauche, il considéra les tours portières, à trente ou quarante pas, au milieu desquelles les vantaux alourdis de grosses pentures semblaient lui jeter un défi. Furieux, désespéré, il s’accroupit enfin.
    — Faut attendre, murmura

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