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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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puis s’éteignit. Du coude, Tinchebraye toucha Ogier :
    — Voyez entre les merlons…
    Des formes passaient, nombreuses, maintenant que le parvis, devant la porte, avait été déserté. Ces ombres s’immobilisaient, se concertaient, repartaient ; rien ne brillait sur elles : aucun des défenseurs n’était coiffé de fer.
    — Ils semblent apprêter quelque chose…
    Un cheval hennit derrière la muraille.
    — Et si, Tinchebraye, ils préparaient une sortie ?
    — Ce serait folie, dit Joubert, mais elle se ferait devant nous.
    Il venait d’abandonner la huche. À plat ventre, appuyé sur ses avant-bras, il observait les parois, l’archère illuminée qu’une ombre – rideau ou planche – dissimulait soudain, et le grand portail dont certaines pentures luisaient comme des ramilles embuées de gelée blanche.
    — Folie ou nécessité, dit Ogier. Ces deux tentes vivement montées et ceintes de mantelets sont peut-être assignées à quelques connétables.
    — Derby et un ou deux de ses suppôts ?
    — Il se peut. En ce cas, il convient d’attendre qu’ils soient dedans !
    — Leurs armées, dit Tinchebraye, fourmillent de capitaines. Les Poitevins peuvent avoir l’intention de capturer ceux-là ; les sorties sont faites pour ça autant que pour la destruction des machines de guerre… Ils en sont peu pourvus : j’ai compté deux trébuchets et une baliste en deux autres endroits que celui où nous sommes… Ce que leurs charpentiers assemblaient, c’est peut-être les éléments d’un beffroi… Et un beffroi – hein, messire ? – y a pas pire ennemi dans un siège…
    — C’est vrai, dit Ogier, renonçant à révéler qu’il en avait détruit un.
    — Je me demande, dit Joubert, ce que les Poitevins gagneraient à cette aventure. Anéantir l’artillerie [30]  ? Il a plu, ces jours-ci : le merrain doit être humide et le feu n’y mordra point… Désemparer ces monstres à coups de hache ? Il faudrait avoir des centaines d’hommes et disposer du temps pour le faire… Se saisir de certains connétables ? Alors, va leur falloir s’armer… de patience ! Derby, ce gros porc, festoie quelque part, et ils sont à table, peu pressés de la quitter… Et même si ces manants veulent occire quelques-uns de ces coquins, ils seront trop peu, je le crains, pour contenir leur poussée quand ils se regimberont : il suffit d’une sonnerie de trompe pour amasser ici un ou deux milliers d’hommes !
    — Tu as raison, dit Ogier. Soyons quiets. Il y a eu des sorties réussies. Les unes ont permis à des chevaucheurs de fuir une enceinte et d’aller quérir de l’aide ; les autres de retarder un assaut qui s’annonçait funeste et de fortifier les défenses…
    — Sans doute, messire, mais d’autres ont affaibli des cités ; plutôt que de la retarder, ils en ont hâté la prise tout en envenimant la forcennerie des assaillants. D’ailleurs, je suis sûr que les Poitevins ont déjà fait une sortie : nous sommes passés au-dessus d’une île où ça empunaisait le sang et la tripaille ; il devait y avoir là, entassés par les Goddons, des centaines de manants et guerriers occis…
    — J’ai senti cette odeur, en effet… Il se peut qu’ils aient jeté les corps du haut du pont car ils gênaient leurs allées et venues…
    — Occis avant, occis après, les Poitevins sont condamnés ! Vous en conviendriez, messire, si votre Blandine vivait loin d’où nous sommes.
    — Mais j’en conviens, Tinchebraye !
    — Pour ces manants, reprit Joubert, il n’y a aucune autre issue possible que la défaite. Nulle espérance de voir paraître cinq ou six milliers d’hommes de chez nous. Je ne sais où sont le roi et son fils Jean… Peut-être devant Calais. Or, ce dont je suis sûr, c’est que la Chevalerie est morte à Crécy, la piétaille également, et qu’Édouard III et ses malandrins vont désormais s’en donner à cœur joie…
    Ogier baissa la tête et soupira. Pauvre royaume, victime de l’orgueil et de l’impéritie de son suzerain davantage que des armes et des fureurs anglaises ! Son esprit s’arrêta sur des images de tueries et son désir de se rassurer ne découvrit aucune action susceptible de soustraire Blandine aux fatales violences.
    Le cheval hennit de nouveau – à moins que ce fût un autre. Derrière les grands vantaux, le garçon se plut à imaginer une chevalerie prête à s’élancer au-dehors, ainsi qu’un millier de

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