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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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piétons conviés bon gré mal gré au baptême du sang.
    — Tous ces démons, là-bas, sont trop occupés à manger et à œuvrer à leur beffroi – si c’en est un – pour flairer ce qui se prépare… Oh ! voyez…
    Une lame de lumière apparaissait entre les vantaux, puis une autre, en dessous : ils s’ouvraient. Ils allaient s’ouvrir ! Une pierre roula devant Tinchebraye dont l’émoi atteignait son comble.
    — Par saint Michel, dit-il sans contenir sa voix – ce qui lui valut un coup de coude de Joubert –, ils avaient dû oindre les gonds avant que les Goddons n’arrivent !
    — Bon sang ! dit Ogier. Ces deux Gascons, sur le pont, doivent dormir pour ne pas voir ce qui se prépare… Couchons-nous !
    L’arche ténébreuse aux huis à demi tirés de l’intérieur révélait, maintenant, silencieux ou presque, un remuement de chevaux, de chevaliers et des brasillements d’aciers prêts à l’usage. Quand des flambeaux eurent fleuri à certains bras, cet escadron se rua entre les portes béantes, envahit le terre-plein jusqu’au trébuchet et se divisa en deux masses galopantes qui, longeant les murailles, coururent sus aux assiégeants. Des hurlements les précédaient et les suivaient, et des cris : « À l’arme ! À l’arme ! » crevaient cet orage guerrier où des cors mugissaient à tous vents.
    — Bougez pas, les gars… Voici que les ribauds s’en mêlent.
    Autant qu’il pût en juger de derrière son tas de pierres, Ogier dénombra, à droite et à gauche, cinquante hommes à cheval, et trois ou quatre cents piétons. Tandis que les uns couraient vers les machines de guerre, les autres galopaient vers les tentes et l’enclos des blessés. Sur la droite, la chevalerie et les centuries de guisarmiers, vougiers et picquenaires gagnaient le pont où les guetteurs, effrayés, se jetaient dans le Clain.
    — Messire, haleta Tinchebraye, le portail est ouvert. On y va ?
    — Non… Même en criant : «  Montjoie ! » nous nous ferions occire avant de l’atteindre… Vois ! Les courtines et la bretèche foisonnent d’hommes d’armes !
    — Que faire ?
    — Rien… Si j’avais eu un commandement, jamais je n’aurais envoyé des hommes sur ce pont d’où ils commencent à reculer… Voyez : il y a contre eux bien mille homme de plus !… Attendons, les gars… Nous nous mêlerons à la presse quand les Poitevins se replieront tous et que la confusion deviendra extrême.
    — Ça ne tardera pas, dit Joubert agenouillé dans l’ombre de la huche.
    Les combattants s’affrontaient en hurlant le « clam » de leur duché ou du royaume auquel ils appartenaient [31] . Les charpentiers et les artilleurs de Derby avaient été occis, les tentes renversées, foulées aux fers des chevaux. Des clameurs montaient de l’enceinte aux blessés : on les achevait à plaisir, et par ces trépas inutiles, les assaillis aggravaient la haine des assaillants. Au sol, les feux se consumaient tandis que du haut des murailles, tels des vols d’oiseaux d’or aux pennes rougeoyantes, tombaient des brassées d’oupilles [32]  : en aidant les Poitevins dans leur retraite, elles favorisaient, aux créneaux, les tirs des arbalétriers et des archers. La nuit se tavelait de cris, hennissements et cliquetis, de feulements de trompes et craquements de bois enflammés ou rompus. Sur le Clain moucheté d’ocres jaunes et rouges, des radeaux et des bacques glissaient.
    — Des renforts, les gars ! Souhaitons qu’ils n’abordent pas derrière nous !
    — C’est déjà la fin, dit Joubert.
    — Ont-ils seulement pris quelques capitaines ?
    — J’en doute, Tinchebraye… Ne bougeons pas. Attendons que les Poitevins reculent jusqu’ici… Quant ils y seront, nous bondirons l’épée au poing… Souvenez-vous que notre intention n’est pas de nous battre mais d’entrer en ville !
    — Les voilà qui lancent des falariques [33] , dit Joubert, et pourtant on y voit de moins en moins… Je me demande comment peuvent se reconnaître, dans ce grand treu, les amis et les ennemis…
    La bataille devenait confuse tant du côté du pont qu’à l’opposé. Tournant à nouveau son regard vers la porte béante, Ogier en vit le seuil gardé par un double rang d’arbalétriers. « Voilà bien une erreur ! Tout autant que l’arc, désormais, l’arbalète est inutile. » Les chevaliers et les écuyers poitevins refluaient derrière leurs piétons incapables de contenir

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