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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tout habile et admiré qu’il fût aux joutes, elle pouvait le considérer comme un rustique. Était-ce donc vrai ? Un loudier [218] ou un sot ? Y avait-il d’ailleurs dans son esprit une quelconque différence ? L’avait-elle suivi seulement pour échapper à cette famille qu’il avait d’emblée détestée sans rien connaître d’elle ? S’il était dans le vrai, alors quel pouvoir de duplicité chez cet être dont il avait pensé que la beauté sans reproche révélait un esprit vierge d’imperfection et de malignité mais enclin, au contraire, à toutes les bontés, à tous les appuis, désirs et renoncements qu’un homme se devait d’attendre de sa compagne.
    — Ce serait, Ogier, une preuve d’amour.
    Elle avait jeté ces mots comme un pêcheur l’hameçon ; il n’y mordrait pas. Elle pouvait maintenant « amorcer » en remontant sa robe au-delà des genoux et présenter ses jambes aux douceurs de l’âtre, il se garderait d’y toucher !
    — La preuve d’amour, dit-il, embrassant les jambes d’un coup d’œil, puis s’en détournant, elle est sans prix… Elle est partout, elle…
    Mais son regard revint vers cette apparition des secrètes beautés de Blandine. Elles semblaient provoquer le feu plus encore que lui-même. Jambes nobles… Le rouge du foyer s’y muait en soie rose. Ce n’étaient plus des membres féminins mais des trésors auxquels les flammes rendaient justice ; et les reflets de cette chair dorée sinon adorée lui faisaient invinciblement songer à des ombres cuivrées, mousseuses ; à des saveurs et des frissons dont elle saurait le priver, sachant bien que pour y goûter, il n’emploierait jamais la violence.
    — Eh bien quoi ? dit-elle en rabattant sa robe.
    Devait-il lui dire, pour en finir, que la preuve d’amour n’existait pas plus dans quelque offrande excessive que dans ces anneaux de rapine, sanctifiés par Isambert et qui soudain, peut-être, leur agaçaient pareillement le doigt. Elle se trouvait simplement dans le vouloir et la faculté de rendre heureux l’autre : regard et sourire de tendre connivence, baiser même léger, étreinte même chaste. Il possédait cette capacité d’aimer ; il y avait ajouté de bon gré quelques largesses folles eu égard à sa presque indigence.
    — Tu sembles décidée à ne vivre qu’à mes dépens… Soit… Mais où est donc l’amour selon toi ? Où crois-tu qu’est le mien ? Dans mon cœur ou dans mon escarcelle ?
    Cette fois, il s’en alla.
    Le froid sec de l’escalier le tira de son mésaise. Dans la cour, il croisa Madeleine Gosselin coiffée d’une aumusse noire et toute vêtue de mailles blanches : la neige tombait toujours.
    — Je vais au puits… Si ce temps continue, l’eau y gèlera.
    — Il est bien trop profond. Laisse-moi faire.
    Il jeta la seille, prit plaisir à sentir le chanvre chauffer ses paumes et à le remonter du fond par grandes tractions lentes. Un moment, voyant Madeleine la tête levée vers le logis seigneurial, il fut certain que Blandine les épiait derrière les verres miroitants. « Et alors ? Que peut-elle trouver à redire ? » Le seau apparut, plein à ras bord.
    — Je te le porte où ?
    — Au seuil de la cuisine.
    Sous les sourcils poudrés de neige, le regard de Madeleine était tendre ou compatissant. Pourquoi ? Que disait-on de lui et d’elle, maintenant à Gratot ?
    Ogier déposa le seau sur le perron et s’en alla vers l’écurie tout embrumée de l’haleine des chevaux et des juments qui, sentant la neige et le froid, restaient plus quiets que d’ordinaire.
    — Holà ! Tinchebraye, Bazire, Le Guevel, Sapienza et Galeas, que je ne vois guère… Tendez des toiles à l’entrée : je veux que nos bêtes aient chaud !
    — Où sont les toiles ? demanda Sapienza.
    L’ancien arbalétrier de Grimaldi – cheveux longs et moustache courte – ne rechignait jamais à l’ouvrage, mais attendait pourtant qu’on le lui eût commandé plusieurs fois. Quant à Galeas – face ronde et plate –, c’était un mélancolieux épris de solitude, plus enclin à s’exercer à la guerre qu’à accomplir des besognes de huron.
    — Foi de Crescentini, dit-il, révélant ainsi son nom qu’Ogier ignorait encore, on se sent bien aise en vos murs, messire, par ce temps… Prenons soin de toutes ces bêtes afin qu’elles soient disposes au printemps… Vous souvenez-vous de Crécy ?
    — Par Dieu, oui !
    — Je n’oublierai

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