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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sûr. ». Autrefois, cette compassion lui eût été odieuse, maintenant, il voulait s’y croire indifférent.
    Il précéda Blandine dans le chemin menant vers le bois où un jour, de bon matin, il avait sauvé Jean de Montfort des truands de Blainville. Montfort qui l’avait poussé vers Chauvigny.
    Un chien apparut, aboyant avec force.
    — Holà ! c’est toi…
    Saladin, langue pendante, tourna autour de Marchegai qui hennit joyeusement. De derrière, une voix s’éleva, pointue :
    — Que fait-il là ?
    — Il chassait, mais il nous a sentis, et le voilà…
    — Il n’a pas voulu te suivre, ce matin ?
    — Il ne nous a pas vus partir, je suppose. Il était occupé avec Péronne.
    — Je vois ce que tu veux dire…
    — Tu ne vois rien… Je ne pensais pas à ce que tu penses.
    — Ce serait bien la première fois !
    Ogier renonça de nouveau à croiser le fer. Laissant Marchegai l’emporter, il regarda les arbres, les prés jonchés de grandes nappes liquides où les nuages prenaient un bain. Le vent brusquement apparu galopait comme une chevalerie lancée, l’acier au clair, vers Saint-Malo-de-la-Lande dont le clocher levait vers le ciel son pal gris calotté d’ardoise. Il aimait ce vent-là, cette violence impalpable. Ce jour d’hui, c’était celle de son cœur.
    Ils parvenaient à l’entrée du village quand Blandine, soudainement apeurée, demanda :
    — As-tu vu ces gens qui arrivent ?… Qui sont-ils ?
    — À voir leurs armures de fer, sûrement des hommes d’armes !
    Il riait et n’eût pas été mécontent même, dût-il en mourir, de devoir tirer l’épée et d’entendre dans le bruit familier des estocs et des tailles, les cris d’angoisse de son épouse. Puis il pâlit et sa gorge se serra : un coup de vent venait d’éployer l’enseigne.
    —  De gueules à deux fasces d’or  ! lut-il pour lui-même d’une voix rageuse.
    — Eh bien, quoi ? dit Blandine dont l’anxiété s’aggravait. Qui est-ce ?
    — Godefroy le Tort [239] et quelques hommes liges… Car certains compagnons lui sont restés fidèles…
    Il se détourna : Blandine fronçait ses petits sourcils ; sa bouche tremblait. Elle eût certes montré un autre visage si Rochechouart était apparu d’une façon tout aussi fortuite que le Normand.
    — Ils viennent sûrement de Saint-Sauveur… Sans doute se rendent-ils à Coutances… Harcourt, trois chevaliers, un écuyer, deux sergents !… Ah ! je ne m’attendais pas à le revoir si tôt !
    Saladin courait, flairait, levait la patte.
    — Dis à ton chien…
    — Que veux-tu que je lui dise ? Il sera quiet comme à l’accoutumée.
    Ogier considérait cette bannière rouge et or, battue, froissée de vent, et d’une outrecuidance insoutenable. « J’ai de l’estime pour cet homme. J’ai tout compris à son histoire et de plus, je lui dois la vie… Mais qu’il ait renié son hommage à Édouard !… La féauté, bon sang, chez un prud’homme, est chose aussi précieuse que la fidélité chez la femme… Ce n’est pas quelque bas-de-chausses qu’on jette quand ça gêne ! » Ils passaient sous des arbres décharnés, effeuillés, dont la noirceur humide, cependant, faisait une ombre tout autour d’eux, puis ils apparurent sur la place de l’église dont le gravier mêlé de sable gargouilla sous les fers des roncins.
    — Tiens, Ogier !… Je pensais à toi… N’es-tu pas à Calais ?
    — Vous voyez bien que non.
    Sous la visière relevée, Harcourt avait toujours la même face rouge, avenante. Il s’était rasé puisqu’il n’avait plus rien à craindre autour de lui.
    « Un boiteux qui cloche fort mais retombe toujours fermement sur ses jambes ! Pourquoi s’est-il adoubé comme s’il partait en guerre ? Craint-il quelque embûchement ? Quelques volées de pierres ? Se regimberait-il alors à coups d’épée ? » Plutôt que de s’incliner, Ogier se repoussa contre son troussequin et, lâchant les rênes, croisa les bras :
    — Que faites-vous ici, messire ? Pourquoi n’êtes-vous pas à Calais, près d’Édouard, dans cette cité en bois qu’il a fait élever autour de l’autre ? Pourquoi n’êtes-vous pas non plus à Windesore ou à Westmoutiers ?… Ou à Tykill près de la veuve de Montfort ?… Ou au diable vauvert avec Jeanne de Clisson ?… Ne redoutez-vous pas l’ire des Normands, du commun aux barons ?
    Harcourt se tenait coi. Ce courroux sans nuances, il s’y était

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