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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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toi, et d’autres trouvailles de la même farine qui t’humilieront d’autant plus que tu seras dans ton bon droit d’amoureux et de mari. Si tu les aimes tout bonnement, les épouses, ma foi, en sont comme outragées ; si tu les aimes trop, avec ardeur et constance, elles prennent tes désirs en détestation ! L’amour qui les charmait et les affriandait, devenu lubricité, atteinte à leur pudeur. Les voilà offensées, pis que des nonnettes voyant les vits à l’air des routiers de passage !… Que faire ? songeras-tu. Eh bien, tu te prendras en commisération puis, ayant faim, tu quêteras ta pitance ailleurs. Et si, tout au début, tu avais des scrupules, tu en auras de moins en moins jusqu’à te réjouir de cocufier ta femme ! » Il avait bien ri ; ce matin, remâchant ces propos, il les trouvait d’une pertinence terrible.
    Il s’insurgea contre cette superstition, née tout à coup, que les hommes de sa famille avaient tous fait de mauvais mariages, en dépit des apparences. Dans cette chaucemante qu’elle avait portée de Chauvigny à Gratot et qui l’enveloppait pourtant bien, Blandine demeurait éminemment charnelle. Il semblait que son regard, à l’abri de ses longs cils, le perçait et plongeait dans toutes ses pensées. S’ils s’étaient trouvés en été, il l’eût fait passer par quelque chemin creux pour la désarçonner et se jeter sur elle. Il avait moins envie, désormais, de l’aimer que de la violenter. Envie d’annihiler à jamais cette hautaineté qui l’induisait à la colère parce qu’elle le mettait en un constant état de recréance [235] où qu’ils fussent – surtout au lit.
    « Tu as tort de la ménager. Tes tourments sont ta faute, non la sienne. Tu devrais faire valoir tes droits par la force… Les rois eux-mêmes ne se privent jamais d’être hardis !… Édouard et la comtesse de Salisbury, tiens ! Elle a dû lui céder après qu’il l’eut assagie à coups de poing… Il lui a fait l’amour de toutes parts… Un homme, et à plus forte raison un homme de guerre, ne devrait jamais s’amourer d’une seule femme ! »
    Il savait qu’il allait trop loin et qu’il avait des torts, sans doute, dans ce conflit qu’aucun sourire de Blandine ne pouvait plus apaiser. Il l’observa de nouveau, cambrée, légère à travers ses vêtements grossiers sous lesquels il ne devinait pas mais voyait toutes ses formes. La souplesse d’un arc qui ne ployait guère sous son étreinte. « Tu devrais l’empoigner, même si elle se regimbe… Il se peut – pourquoi pas ? – qu’elle n’attende que ça ! » Et si elle criait et réveillait tout le château ? « Bertine a deviné. Les autres aussi, sans doute. D’ailleurs cette baveuse [236] ne garde jamais rien pour elle ! » Eh bien, soit : des hommes et des femmes savaient. Il se moquait de toutes les opinions, à commencer par celle de son père.
    « Tu te mens… Regarde-les donc ! »
    Blandine était quiète. Sous son corps et sa volonté, Hautemise semblait tout aussi paisible. L’une et l’autre paraissaient contentes de leur sort, et si la haquenée eût pu sourire, elle ne s’en fut sûrement pas privée !
    — Ne fronce pas tes sourcils, messire Argouges. Tu voulais que nous sortions ? Nous sortons… Je me plie à ta volonté.
    — Ce soir, dans notre lit, saurais-tu t’y plier ?
    — Comment pourrais-je te répondre ?… Nous n’y sommes pas.
    — Tiendrais-tu à ce que je te supplie à genoux ?
    — Par ma foi, j’en serais fort honorée !
    À genoux, sa joue, son nez, ses lèvres contre ce ventre nu qu’il imaginait, justement, avant qu’elle eût provoqué cet échange aussi froid et aigre que le vent. Bon sang ! Elle lui parlait comme à un coupable. De quoi  ? Quel délit avait-il bien pu commettre ? Quel reproche informulé contenaient ces propos, ce regard insistant ?… Eh bien, qu’il l’aimait mal parce qu’il l’aimait trop !
    — J’aime la douceur…
    Ogier ne dit mot. Sa passion aggravait-elle le poids des gestes et mouvements qu’il souhaitait pourtant doux et tendres ? Il en douta. Nulle fille encore ne s’était plainte de ses façons… Si seulement cette gêne sourde entre eux s’évaporait, ne pourraient-ils redevenir les amants de Chauvigny ?
    « Non ! jamais plus. »
    Pouvait-il accuser son père d’être aussi responsable de ce malaise ? Sa conduite envers Blandine demeurait décevante. Nul accueil chaleureux à sa

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