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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vendu.
    — Vendu !
    — Je le lui ai présenté. Je lui ai demandé, s’il lui plaisait, de me l’acheter en lui disant qu’avec ce qu’elle me donnerait et ce que je vendrai à d’autres, je m’offrirai ce pelisson fourré que son frère me refusait.
    — Tu as fait ça !
    — Ta sœur s’est moins offensée que toi : elle a ouvert un coffre et en a tiré une escarcelle… Ainsi, j’ai fait deux bienheureuses : elle et moi.
    Que dire ? Rien. Que penseraient Aude et Thierry ? Ogier se sentait joué, et s’il n’était plus, pour le moment, dominé par Blandine, réduit tout de même à peu de chose. Certes, ce qu’elle lui révélait était affaire de femmes. Plutôt que de refuser, Aude avait accepté ce petit négoce où son épouse avait prouvé une hardiesse et une habileté parfaites. Cependant, il y trouvait de la perversité.
    — Heureusement que ma sœur me connaît… Et Thierry ! Sans quoi tu m’aurais fait passer pour un avaricieux !
    — Ils sont plus riches que nous.
    Non, ce n’était pas dit sur un ton de reproche, mais l’amertume, bien que légère, se répandit dans le cœur d’Ogier.
    — Thierry a pris six soudoyers, j’en ai douze…
    — Si tu n’en avais pas pris…
    — Commandement du roi… Il m’a donné des écus pour cela… Il m’a dit d’aller le voir en leur compagnie… Si tu étais un jour menacée, tu me demanderais pourquoi je n’en ai pas vingt… ou cinquante !
    — Mais les Goddons ne nous menacent plus !
    — Ils sont en Bretagne, en Poitou, en Guyenne… Un jour, Derby peut décider de venir jusqu’à nous… Et puis, par pitié, cesse de javotter !
    Il n’ajouta rien ; Blandine se tint coite. Lorsqu’ils arrivèrent à Gratot, Harcourt venait d’en partir. Godefroy d’Argouges dit simplement :
    — Je devais le recevoir avec courtoisie par remembrance de ce qu’il a fait pour moi et pour toi… Si j’étais Philippe VI, je me défierais, bien sûr, d’un tel allié ; mais je ne suis pas roi de France.
    Le soir, à table, le vieillard reparla de la visite du Boiteux. Il fut interrompu par Tinchebraye :
    — Messire, Joubert, Lehubie, Bazire, Gardic et Delaunay sont Normands de naissance, tout comme moi… Tout comme moi, ils ont bataillé contre les Anglais que conduisait cet homme… Tout comme moi, ils l’ont en détestation… Et nous ne sommes pas les seuls !
    Godefroy d’Argouges acquiesça et révéla :
    — Il prépare des joutes pour le printemps… Iras-tu, Ogier ? Il t’y veut.
    — Non, Père.
    Les Bretons, les Normands et même Sapienza et Crescentini approuvèrent cette réponse. Raymond leva son gobelet à la santé des seigneurs de Gratot, décidant Marcaillou à en faire autant. Blandine leur jeta un regard mécontent, tandis que les serviteurs et les servantes battaient des mains.
    — C’était pourtant une occasion de riole [251]  !
    Ogier considéra sa femme. De dépit, elle pleurait presque. Il voulut lui parler, son père le devança :
    — Le Boiteux n’aura personne, ma bru, ou peu s’en faudra… La réponse de mon fils, si elle vous apporte une déconvenue, me satisfait… Avant que de reprendre avec Harcourt des relations de bon voisinage, il faut nous assurer qu’il est d’une loyauté sans faiblesse.
    — Bien, Père, dit Blandine d’une voix tout aussi pâle que ses joues.
    Et comme après s’être détournée du vieillard, son épouse, d’un regard, lui signifiait son courroux, Ogier lui offrit un visage froid et résolu.
    — Pourquoi sembles-tu si contristée ? Il y aura d’autres joutes à l’entour !
    — Contristée ?… Nullement. Je me disais que si j’étais un chevalier, plutôt que d’ignorer le pardon d’armes de messire Harcourt, je m’y serais rendue avec la ferme intention de le bouter hors de selle dès la première course… Mais voilà, je ne suis qu’une femme…
    La remarque fit son effet. Tous les hommes, même les serviteurs, s’entre-regardèrent. Blandine avait parlé doucement, avec une franchise dont Ogier fut bien près de la louer. Il se tourna vers son père : apparemment retranché en lui-même, le vieillard opposait à cette hardiesse féminine peu commune un détachement non feint.
    « Il la méprise, dirait-on. Si c’est cela, il va trop loin ! »
    Le vieux chevalier condamnait avec froideur cette incursion de la féminité dans un entretien d’où toute sensibilité devait être exclue. À plus forte raison celle

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