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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Charles d’Espagne a subi votre courroux, m’a-t-il dit… Il conserve de vous un souvenir exécrable !
    « Moi aussi », eût pu dire Ogier. Thierry également, que l’Espagnol avait poursuivi de propositions insensées. Contrairement à ce qu’ils craignaient, le duc Jean s’ébaudit et branlant cette tête chenue d’où sortaient des oreilles jaunâtres, comme si ses cheveux avaient déteint sur elles :
    — C’est un jouteur sans fortes qualités… J’ai grand regret qu’il ne soit pas des nôtres : il combat les Flamands. Ces maudits tisserands nous ont donné du mal… À plus de cent mille, ils se sont répandus… Ils ont assiégé Aire… Ils ont ruiné tout le pays jusqu’aux portes de Saint-Omer et de Thérouanne… À Cassel, ils m’ont contraint à reculer… Bon connétable, Charles d’Espagne, accomplit ma vengeance aussi bien sinon mieux que ne l’aurait fait Guînes [317]  !
    Certes, se dit Ogier, Guînes était médiocre en tout, et puisqu’il était question de joute, aussi nul que l’Espagnol. De plus, c’était un mou et un couard : il s’était rendu presque sans combattre aux Anglais, lors du siège de Caen. Enfin, on le prétendait amant de la duchesse de Normandie. Pour l’une ou l’autre de ces choses, ou pour leur somme, Jean le haïssait et ne s’en cachait point. Thierry toussota pour inviter tous ses compagnons à se retirer, mais le roi fit un pas en avant, et les mains sur les épaules de son champion comme s’il voulait lui donner l’accolade :
    — Saint-Venant, qui était des nôtres à la chasse, me parlait justement de vous alors que nous revenions céans… Il a pour vous une considération telle que c’est lui qui m’incita à vous mander… Il se souvient de la manière dont vous avez estoqué Blainville et dit que vous devriez enseigner à tous les damoiseaux de la Cour comment il faut escrémir [318] avec un malandrin !
    Ogier s’inclinait, prenant enfin congé, quand une ombre le noya tout entier. Se relevant, il vit qu’il s’agissait d’un homme en armure, bassinet en tête, visière relevée.
    — Geoffroi de Charny, notre cher porte-oriflamme ! s’écria Philippe VI ravi.
    Visage glabre, effilé, avec un nez pointu qui devait encombrer le nasal de la ventaille, des lèvres minces, incurvées vers le bas ; des yeux petits sous des sourcils touffus comme des chenilles, et dont la danse noire, effrontée, incommoda Ogier.
    — C’est donc lui qui dénonça et tua Richard !
    Pour que cet homme usât du prénom de Blainville, il l’avait fréquemment côtoyé. Peut-être avait-il eu de l’amitié pour lui. De plus, et comme pour ajouter à l’irritation d’Ogier, c’était sa voix qui avait lancé, sur son passage et celui de ses compagnons : «  Voilà que nous avons une hanse avec nous  ! » Que dire ? En présence du roi, la circonspection s’imposait.
    — C’est moi, messire.
    — Je vous avais entrevu l’an passé, sur les chemins, je ne sais où…
    C’était une fausseté. Ogier s’en réjouit :
    — Et vous n’auriez pas cru, connaissant bien Blainville, que je serais capable de m’imposer à lui ?
    — Non… Qu’il eût été un traître, soit. Peu m’importe…
    — Holà !… Il nous importe à nous, Geoffroi ! protesta le duc Jean, associant son père et son puîné à son indignation. Nous vous connaissons bien, mais soignez vos paroles !
    Charny s’inclina, rougissant plus qu’il n’était nécessaire, et affrontant le roi, puis ses fils :
    — Je ne voulais, sire, vous faire offense… Je savais Blainville invincible à l’épée… C’est pourquoi je suis ébaubi que ce soit… lui… qui l’ait dominé…
    Le ton devenait dur et malintentionné. Les yeux noirs sertis d’un cerne gris, révélaient des fatigues et des sommeils pénibles. Ogier se dit qu’il avait peut-être entrevu cet homme sur le chemin de Saint-Denis, avant la messe propitiatoire qui avait précédé l’épuisante courre aux Anglais achevée à Crécy.
    « Était-ce lui le porteur d’oriflamme tandis que nous pourmenions [319] les Goddons jusqu’en Ponthieu ? Non, assurément, puisque ces mêmes jours, il défendait Béthune contre les Flamands avec Courvaudon et d’autres [320] . »
    Au début de la bataille, sur la pente du Val-aux-Clercs, Blainville avait tenté de s’approprier l’étendard sacré. Saint-Venant l’en avait empêché. Ensuite la grande flamme rouge avait disparu. Qui

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