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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son aise ? Haut sur des pattes grêles, étroit du bassin, large d’épaules, le duc lança sur les inconnus auxquels parlait son père un regard sec, chef-d’œuvre d’importance, dont aucun d’eux ne fut troublé. Il avait des yeux d’un châtain pâle, la barbe claire, fricheuse, des lèvres plates sous la moustache mal taillée ; une sorte de bouc obombrait son menton épais aussi mou, semblait-il, que ses joues un peu creuses ; ses cheveux abondants, d’un roux blafard, collés de sueur par places, étaient loin de ressembler à ceux d’une femme, mais la main qui ramena une boucle frisottée rejetée par le vent derrière son oreille, avait une douceur presque féminine. Ogier cessa de regarder cet être singulier pour observer son frère. Plus court, plus solide, le duc d’Orléans n’avait, lui aussi, rien d’avenant. Des cheveux courts, blonds, des sourcils fournis, un nez droit, une bouche épaisse et un menton imberbe et pointu : il rassemblait tout à la fois dans sa personne, outre cette fierté inhérente aux Valois, une sorte de lourdeur puissamment charnelle et une vigueur qui peut-être, à défaut d’être guerrière, appartenait bien à un mâle.
    — Que te dit Mère ? demanda-t-il au roi.
    Ogier voulut se retirer, mais Philippe, d’un geste, lui enjoignit de demeurer tout en répondant au duc d’Orléans :
    — Elle veut mon retour… dit que je perds mon temps…
    Il tendit à son aîné le bref qui lui était destiné :
    — Tiens… que t’écrit-elle ?
    Il ne devait y avoir que quatre ou cinq lignes, Jean de Normandie releva son visage de vieille pucelle velue :
    — Elle va se rendre à Saint-Denis… Oraisons, messes chantées… Elle va faire prêcher au peuple pour que Dieu préserve notre royaume et le roi… Elle dit qu’elle y demeurera huit jours [315] .
    Le roi eut un geste. On eût dit qu’il repoussait une porte.
    — Est-ce tout ?
    — Elle insiste pour que tu reviennes au palais.
    — Elle sait pourtant que c’est impossible !
    Et lançant sa main par-dessus son épaule pour exprimer plus de moquerie que d’irritation, Philippe VI désigna Ogier à ses fils :
    — C’est Argouges… C’est lui qui a mis fin aux bassesses de Blainville !
    Bassesses. Un petit mot pour des années de trahison et un mépris que, tout roi qu’il fût, Philippe VI avait reçu en plein visage. Mais si le regard de Philippe le Jeune était demeuré inchangé – assez terne et maussade –, celui de Jean s’était illuminé ; son visage, qu’il venait d’étayer de ses poings, comme si son cerveau s’était brusquement alourdi, exprima une sorte de joie assortie d’amertume.
    — J’ai toujours trouvé Richard déplaisant… Et voyez si j’ai bonne souvenance : vous l’avez estoqué avec une haste [316] … Si ç’avait été moi, quand il vint à la Cour, je l’en aurais fait chasser…
    « Voire », songea Ogier. Car c’était Jean aussi qui avait contribué à l’ascension du félon. Ce prince jeune encore semblait avoir le sang plein de fiel. Cela, sans doute, tenait moins à une acerbité héritée de ses géniteurs et ancêtres qu’à un impatient désir de régner auquel son père faisait obstacle. Il devait avoir la tête pleine de desseins : rêves de grandeur, de pompe, d’amours de toutes sortes – à moins qu’il ne se contentât de Bonne, son épouse, et de Charles d’Espagne, son amant – ; et face à l’Angleterre, il devait méditer quelque invasion qui, à défaut de lui conférer la gloire d’Alexandre, rappellerait au moins celle du Conquérant.
    — La Couronne a besoin d’hommes de votre espèce, Argouges, dit-il avec tant d’assurance que son père en demeura pantois. Nous ferons de belles appertises ensemble… Je ne sais comment, demain, après-demain… bientôt, nous mettrons les Goddons dans la déconfiture, mais nous les y mettrons ! Sitôt qu’Édouard tombera en mon pouvoir et son damné fils aussi, je les réduirai à la faim, et quand ils seront bien maigres…
    Il s’interrompit, à court d’idée, puis son regard s’assombrit méchamment :
    — Je n’oublie rien… Rien !…
    Et tourné vers son père :
    — N’est-ce pas lui qui, à la joute, bûche ses adversaires en galopant un temps lance basse ?
    — C’est lui, dit le roi. Ton oncle, Alençon, m’en avait moult parlé… Il l’avait vu courir des lances à Chauvigny.
    — Adoncques, c’est vous… Mon précieux ami

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