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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’avait retrouvée ? Édouard III l’avait-il restituée au roi de France en même temps que le corps de son frère, Alençon ?
    — Dommage, dit Charny, que vous m’ayez devancé dans le châtiment de ce larron. J’en avais envie depuis belle heurette. Richard prenait de plus en plus de hautaineté, ce dont je me courrouçais.
    C’était faux, manifestement. Offense pour offense, Ogier s’estima en mesure de mentir :
    — Par ma foi, messire, il m’a bien semblé vous voir un jour vous incliner devant lui plus bas que vous venez de le faire devant le roi.
    Le duc Jean s’esclaffa, entraînant son père dans une hilarité dont Tinchebraye fut atteint, ce que voyant, Charny eut un mouvement vers son épée. D’une main ferme, le duc d’Orléans y mit un terme.
    — Allons, allons, chevalier !
    — Messire, je ne permettrai pas qu’un ribaud…
    — Paix, messire de Maraut [321]  !
    C’était intentionnellement que Philippe le Jeune employait ce nom-là. Maraut, détaché du reste des titres possédés par Charny, le mettait au même niveau – ou peu s’en fallait – qu’un soudoyer. Le roi ne riait plus, mais son fils Jean ne s’en privait pas. Les dissensions devait lui plaire. Rien de mieux, pour être informé par les uns et les autres, de ce qui se passait autour de soi. Il recouvra soudain sa gravité :
    — Charny, on dirait que vous enviez Argouges. Parce qu’il est le champion de mon père ?… L’honneur d’être porte-oriflamme vous est-il indifférent ?
    — Certes non, messire duc !
    Et prosterné devant Philippe VI, comme s’il s’apprêtait à s’élancer en rivière :
    — Sire, votre champion s’engrigne pour un rien !
    Brusquement tourné vers son contempteur, quelque chose joua sur sa bouche, qui pouvait être un sourire ou l’expression d’une abomination contre laquelle Ogier se sentit désarmé. Sans la présence du roi et de ses fils, il eût dégainé Confiance.
    — Vous me semblez aigri, Argouges… Seriez-vous mal heureux en amour ? C’est le mal d’amour qui fait grossir la bile… et donne les humeurs peccantes !
    Ogier se sentit atteint en plein cœur. Il rougit, d’où un surcroît de fureur.
    « Des mots ! » tenta-t-il de se dire. « Et les mots d’un sot ! »
    Il se devait pourtant de relever l’offense : le roi le surveillait d’un œil froid, inquiet.
    — Admettons que ma bile ait grossi, surtout quand je suis en votre présence… Dites-moi donc, messire Charny, à votre tour, ce qui fait grossir si énormément votre sottise… et quand je dis sottise, je reste bienséant !
    De nouveau, Philippe le Jeune s’interposa :
    — Depuis un mois que nous sommes à Hesdin, messire Charny, vous multipliez les discordes !… Je sais que vous êtes, vous aussi, un sang-bouillant…
    Ogier n’écoutait plus – ou à peine. Un mois  ! Un mois ! L’on riait, chantait, mangeait à sa faim. À Calais, le Calais de France, les hommes, les femmes et les enfants mouraient faute de nourriture, et peut-être aussi de désespérance. Il regarda Charny, lui trouva un visage de marmouset et s’aperçut que le duc Jean s’éloignait, tandis que le roi, trop las pour demeurer debout, se rasseyait sur sa chaise à tenailles.
    — … et je n’ai pas de leçons à recevoir de cet homme, même s’il est votre champion, sire, s’emportait Charny. Quand il s’agit d’honneur et de guerre, je me sens à l’aise !
    Tourné vers Ogier, il cracha presque :
    — Quand je n’étais que chevalier-bachelier, j’ai servi en Flandre dans la bataille du comte d’Eu [322] …
    — Mon père était dans celle de Robert Bertrand de Bricquebec.
    — Votre père…
    Ogier s’attendit à une offense. Il n’en fut rien : le roi venait de dire : « Paix, Charny ! » mais le porte-oriflamme n’en avait pas fini :
    — J’ai défendu Béthune en septembre dernier !
    — Vous seul ?… Il devait y avoir moult chevaliers près de vous, et surtout grand-foison de ces ribauds dont vous avez fort mépris !… Quant à guerroyer lorsque l’on est jeunet, messire, je dois vous dire qu’à treize ans, j’étais sur le Christophe, à l’Écluse… Vous pouvez donc rengainer vos leçons comme vous venez de rengainer votre épée !
    Sans prêter plus d’intérêt à cet outrecuidant, Ogier plia légèrement l’échine, face au roi immobile et rêveur :
    — Puis-je me retirer, sire ?
    — Oui… Allez…
    Thierry

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