Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
parmi les tentes. Les chevaux assoupis hennirent. Les bœufs qui traînaient les artilleries meuglèrent tandis que les trompes et trompettes sonnaient toujours avec une insistance folle.
    — Ça y est, dit Thierry. Il a dû se décider dans la nuit.
    — Tu sais qu’il ne pourpense rien… Où va-t-il nous mener ?
    — Soit au succès, soit à la déconfiture.
    — Nous le verrons bien assez tôt, messires, dit Joubert, en s’étirant et en bâillant si fort qu’il semblait gémir de douleur.
     
    *
     
    Entouré de ses chevaliers, écuyers, barons, Génois et d’une demi-douzaine de porte-flambeaux, le roi, adoubé d’une armure vermillonnée par les feux et le pourpre du soleil levant, considérait alternativement Jean et Philippe, ses fils, comme s’il craignait qu’ils ne prissent la parole à sa place. Il n’avait pas coiffé son bassinet. Parfois, il passait une main dans ses cheveux qu’un souffle d’air prenait plaisir à disperser sur son front et ses joues.
    — Quel jour sommes-nous, déjà ? demanda-t-il.
    — Le dix-sept, sire, s’empressa Geoffroi de Charny plus gluant qu’un pot d’axonge.
    Alors, comme rassuré, le monarque prit la parole :
    — Calais nous attend, messires !
    Le petit front tomba dans une large paume. Puis, le visage brusquement relevé prit une expression menaçante qu’Ogier connaissait :
    — Or çà, messires, voici comment nous irons.
    Un silence broya les paroles de la plupart des prud’hommes qui s’étaient entretenus comme sur un foirail.
    — La première bataille sera celle de Robert de Wavrin, sire de Saint-Venant.
    Le maréchal s’inclina et attendit la suite.
    — Il aura près de lui le Galois de la Balme, notre maître des arbalétriers, puis Montmorency et les piétons qu’ils choisiront.
    Montmorency était absent. Le roi en parut consterné. Il semblait que l’approbation de ce grand meneur d’hommes allait lui manquer. Ignorait-il qu’en appariant deux preux à l’avant d’une multitude, il provoquerait d’emblée leur discorde ?
    — La seconde bataille sera au duc de Normandie, mon ains-né fils. Je le compagnerai…
    L’ains-né fils en parut courroucé, ce qui réjouit son puîné.
    — … et nous aurons avec nous soixante-trois bannières. Mon second fils vous dira lesquelles.
    Le petit duc Philippe parut furieux, mais le roi n’avait pour lui aucune attention particulière. En fait, il regardait le ciel pour le prendre à témoin, sans doute, de ses qualités d’homme de guerre. Revenant sur terre, il indiqua :
    — La tierce bataille aura pour elle Jean de Hainaut, le comte de Namur… Sont-ils présents ?
    — Oui ! Oui ! dirent deux voix.
    Le roi se tourna vers son parent qui peut-être lui était le plus cher :
    — Et vous, duc de Bourbon, assurerez l’arrière-garde.
    Le duc s’inclina si bas qu’Ogier ne put voir son visage. « Je jure Dieu », se dit-il, « qu’après une ou deux lieues, toutes ces batailles seront mêlées et leurs chefs confondus. Il se peut même que Bourbon se retrouve à l’avant sans savoir ni pourquoi ni comment. » Tout cela lui rappelait en partie les préparatifs du cheminement vers Crécy et leur funeste conséquence.
    Le roi semblait avoir oublié quelqu’un de cher.
    — Non, Charny, dit-il sèchement. Point de doléances : vous savez bien que vous chevaucherez près de moi.
    Ogier vit le nez du porte-oriflamme se pincer sous l’effet d’une puissante inspiration. On eût dit qu’il humait une grosse bottelée de fleurs… ou une venaison.

III
    Philippe VI décida de faire halte à Auchy pour y déjeuner en compagnie de ses fils, de ses maréchaux et de sa grand-baronnie ce qui, dit-il, n’empêchait pas sa chevalerie et son écuyerie d’avancer avec la piétaille. Le repas fut plantureux et les conversations abondantes. Ensuite, on chemina vers Coupelle-Vieille et Fruges. Quelques tentes furent plantées alors que le soleil se couchait.
    Ogier avait été contraint de prendre part à la lippée. Il retrouva Thierry et leurs compagnons avec plaisir et leur dit simplement :
    — L’histoire se répète.
    L’armée demeura dans les champs une nuit et un jour, et ces champs étaient si vastes qu’ils permettaient une montre [325] après laquelle on eût pu rectifier l’avance et le déploiement de ces milliers d’hommes dont la progression désordonnée, pour Ogier, Thierry et certains de leurs compagnons, ressemblait à celle qui avait

Weitere Kostenlose Bücher