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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cette nouvelle épreuve dont il n’avait reçu ni satisfaction ni revers – et pour cause – comme d’une procédure dépourvue du moindre intérêt. À quoi pensait-il, pour s’être ainsi interrompu ?
    — Ils sont vingt-cinq mille, nous presque autant qu’il y a un an…
    Il n’avait pas cité Crécy, pour exorciser, sans doute, ce souvenir détestable, mais il ajouta précipitamment :
    — J’ai bonne chevalerie, bonne écuyerie…
    Bien qu’il eût pu voir, à Crécy justement, des hommes d’armes de tout poil unis aux chevaliers d’Angleterre et victorieux avec eux, il persistait à croire que le gain d’une bataille ne pouvait revenir qu’à la noblesse.
    Ogier lança un regard consterné à son beau-frère : au lieu d’en employer de nouveaux, on allait maintenir les vieux principes. Ils avaient côtoyé la piétaille et savaient ce qu’elle valait lorsqu’elle n’était pas conduite avec mépris, voire avec haine. Manants et hurons de toute force et de tout âge eussent pu donner à certains Grands des leçons de vaillance, bien qu’ils fissent la guerre sans nul plaisir – pas même celui d’y pouvoir occire quelques nobles – ; sans outrecuidance joyeuse, bien que leurs chants fussent toujours allègres ; sans illusions sur leur mérite et leur mortalité prochaine, car aucun d’eux, depuis sept ans que duraient la guerre et les échecs de Philippe VI, ne pouvait plus croire au miracle d’une victoire.
    — Sire, dit Ogier se courbant un peu, j’ai vu moult arbalétriers, mais les archers me semblent en petit nombre…
    Le roi se renfrogna : cette constatation formulée d’un ton pourtant benoît, respectueux à l’extrême, prenait valeur de reproche. Un moment, il parut interdit, révolté ; puis il rit. Ogier sentit peser sur lui le même mépris que Philippe VI vouait à sa piétaille :
    — Je laisse l’archerie à Édouard… Armée de misère que la sienne, où les seigneurs ne se sentent pas déchoir en délaissant l’étrier pour se mêler à la ribaudaille !… Nous avons, céans, de bons glaives [310]  ; des épées de bon acier poitevin et des machines de guerre… Quand je pense que Philippe le Long avait pris un édit enjoignant à tous ses sujets de renoncer aux jeux de quilles, palets, soûle, lutte pour s’appliquer au tir à l’arc [311]  !… J’en prendrai un, moi, pour que la noblesse multiplie joutes et tournois afin d’être toujours prête à la guerre… J’en prendrai un pour qu’elle ait belles armes et armures de fer… J’avais, avant Crécy, bonne et belle chevalerie, grand-baronnie, maréchaux et capitaines que le monde entier eût pu m’envier… Eh bien, Argouges, j’ai recréé cette élite, et vous et votre ami en faites partie !… Vous allez voir bientôt Jean, mon ains-né ; le duc d’Orléans, mon mains-né ; Eudes de Bourgogne, le duc de Bourbon ; le comte de Foix, Louis de Savoie…
    Tandis que le roi cherchait d’autres noms, Ogier se dit que Louis de Savoie eût peut-être succombé, sur les pentes du Val-aux-Clercs, à Crécy, s’il n’était arrivé au lendemain de la bataille.
    — Jean de Hainaut, que vous connaissez ; les comtes d’Armagnac, de Forez et Valentinois…
    Et brusquement :
    — Vous semblez en bonne santé, vous !… Savez-vous que je pense souvent à mon frère ?
    Le comte d’Alençon était mort bêtement. Ah ! certes, il s’était bien battu contre les meutes d’Édouard, mais en laissant s’approcher de lui deux traîtres dont il se refusait à reconnaître la malignité. Et puis, sans doute, Dieu s’était chargé de châtier cet homme qui, juste avant la bataille, avait fait occire ses propres piétons parce qu’ils pouvaient alentir sa chevauchée.
    Menant au frein, entre les tentes, son cheval écumant et tremblant sur ses membres, un chevaucheur parut. Il était coiffé d’une barbute, le torse serré dans un jaque de mailles sur lequel un court tabard gris de poussière portait un écusson aux armes royales. L’Henri s’empressa devers lui tandis que Philippe VI s’exclamait :
    — Ancelin !… Bon sang ! Hier c’était Guillaume, avant-hier Guyot ; d’autres avant ceux-là !… Que me veut-elle encore ?
    Ogier comprit que la male reine abreuvait son époux de lettres lourdes, sans doute, d’injonctions et menaces. Le front du roi s’était froncé ; sa bouche avait frémi d’indignation ou d’amertume et ses longues mains blêmes

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