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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chevaliers attendaient : Calais était en vue. Pour prendre ses décisions, il fallait que le roi vînt ici. Le regard d’Ogier tomba sur le rivage.
    — Des dunes, compagnons, comme celles qui vont de Blainville à la pointe d’Agon ; mais alors que celles que nous connaissons si bien sont faites de bon sable dur, celles-ci semblent un long et large marécage…
    Il s’interrompit car Philippe VI, ses fils, Geoffroi de Charny, les ducs de Bourbon et d’Athènes et, plus loin, Jean de Hainaut, s’approchaient.
    — Ah ! vous êtes là, Argouges… Bon… Bon… Mais où est donc passé cet homme qui a fui Calais ?
    — Ce chevalier, sire, dit le duc de Bourbon. Il ne tardera pas : votre chancelier lui a fait donner à boire… et il doit dévorer la saucisse et le pain que Ribemont a tirés de sa panetière !
    Qui était ce messager ? Comment avait-il pu quitter Calais ? En attendant cet audacieux, le roi mit pied à terre, seul – ce dont il parut plus satisfait que cela ne le méritait. Ses fils se virent ainsi contraints d’en faire autant : le duc Jean sauta de son cheval plutôt qu’il n’en descendit et se reçut assez bien ; son puîné, lui, faillit tomber. Un guisarmier qui passait le retint : le jeune soudoyer auquel Ogier avait donné du pain.
    — Laisse-moi, maraud ! intima le duc d’Orléans. Sais-tu que ton aide m’offense grandement ? Mes amis vont penser que je ne sais sauter hors de ma selle.
    Ogier cligna de l’œil. Le guisarmier le rejoignit.
    — Merdaille, murmura-t-il. J’ai cru bien faire : il allait s’effondrer.
    — Sois quiet… et plutôt que de chercher tes compagnons, reste avec nous. Quel est ton nom ?
    — Guillonnet, messire. Je reste. Je suis de ceux de Tournai.
    — Nous avons des chevaux, pas toi, dit Thierry, mais ils vont devenir inutiles. Tu veilleras sur eux quand ce sera ton tour.
    Bien qu’il eût le soleil dans le dos, le roi s’était fait, de sa dextre, une seconde visière afin de mieux observer la ville assiégée. Ogier ne pouvait voir son visage, mais il le devinait : les chairs lourdes, fanées, rendues soudain solides par l’aversion qu’il vouait à son cousin Édouard, et les yeux d’autant plus fixes qu’il avait, disait-on, courte vue.
    — Je demanderai à mon cousin de nous livrer bataille. Pendant ce temps, ceux de Calais feront une sortie… Cette cité de bois qui les entoure flambera comme un feu de sarments… Après avoir pris notre bonne ville dans leurs pinces, ils seront pris par nous en trésailles. N’est-ce point une belle et bonne semille [342]  ?
    Philippe VI émit une sorte de rire, tandis que Jean de Hainaut, de l’index, lui désignait la grève, en contrebas :
    — Sire, je crains que nous ne puissions approcher de ce côté… Il y a grand’foison de marécages, moères et crolières : les chevaux s’enfonceraient jusqu’au ventre là-dedans, les hommes jusqu’aux genoux… Quant à faire passer nos machines de guerre, ce serait les embourber à jamais…
    — Ils doivent dessiéger cette cité ! dit Philippe en tapant du pied.
    Ses deux fils avaient échangé un regard. Le duc Jean proposa :
    — Et si nous allions de l’autre côté ?
    Le roi n’eut pas à répondre : entre le sire d’Offémont et Geoffroi de Charny, la hampe de la bannière sur l’épaule, un homme s’approchait, qu’Ogier, Thierry et Raymond reconnurent, qui les reconnut, lui aussi et le leur montra d’un geste avant d’aller s’incliner devant le roi :
    — Ainsi, vous vous nommez Baudouin de Bellebrune et vous sortez de cette ville !
    — Oui, sire… J’en suis sorti depuis deux jours.
    — Comment ?
    — En noant [343] , sire, de nuit…
    Ogier se dit que Bellebrune avait changé : maigre, la face jaune couverte d’une barbe sombre, les yeux creux, ce n’était plus le fier chevalier présent à Chauvigny pour y faire merveille en champ clos, mais un homme rompu, désespéré, malade de faim et d’amertume : le menton quelque peu fier s’était abaissé ; l’éclat des yeux, si dur et presque insoutenable, faisait penser à la lueur d’une épée enrugnie [344]  ; la bouche avait une expression boudeuse, et ses tremblements n’étaient pas dus à l’émoi : Bellebrune n’avait jamais adressé la parole au roi, et ce souverain vieillissant, au regard hautain et lugubre, ne lui inspirait aucune déférence. C’était peut-être de la colère qui l’animait en présence de

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