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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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soulevait l’enfant et lui en offrait un… Bouche avide, « semblable à la mienne avant qu’elle ait trouvé ces jeux pervers, indignes d’elle… de nous… Mais là, elle y prend moult plaisir, j’en jurerais ! » Repoussant vivement ces visions dont il n’était point trop fréquemment assailli, Ogier se retourna pour une brève inspection de ses hommes. Il n’y avait que les deux pennonciers, Le Hanvic et Tinchebraye.
    — Les autres ?
    — On leur a dit de se mettre en arrière.
    — Qui ?… Je veux savoir, Tinchebraye.
    — Charny.
    — De quel droit ?
    — Le duc Jean, à ce qu’il prétend.
    « Je n’ai pas vu Charny s’arrêter pour se faire dépasser par nous… Mais il est vrai qu’il n’est plus devant… Il me faut tenir cet homme en défiance… Tiens, le voilà qui galope et se replace à la dextre du roi. »
    Ogier se faufila parmi les grands barons, cria : « Place ! » à Guillaume Flotte et à l’orgueilleux comte de Foix qui allait tête nue pour qu’on admirât ses cheveux longs et cuivrés. Ils se poussèrent en s’indignant qu’on les eût dérangés dans un entretien d’importance. Le roi se retourna du mieux qu’il put :
    — Argouges !… Que voulez-vous ?… Ne voyez-vous pas que vous abîmez notre bel arroi ?
    — Sire, je veux que vous m’accordiez la permission de rejoindre mes hommes… S’ils ont le devoir de m’obéir, j’ai celui de veiller sur eux…
    Il y eut des rires, des moqueries auxquels il fallait se montrer insensible, du moins en apparence. En vérité, bien qu’il eût l’estime du roi, Ogier se sentait gêné parmi ces grands seigneurs.
    — Allez ! dit Philippe VI, mais quand nous parviendrons devant Calais, rejoignez-moi incontinent.
    — Je vous rends grâce, sire !
    — Il n’y a pas de quoi ! cria quelque part le duc Jean.
    Des rires, encore. Même des quolibets. Il y avait de la joyeuseté dans l’air. Et au-dessus de cet ébaudissement, le rire de Charny, coupant comme un hachoir.
    — Laisse-les gaber [336] , conseilla Thierry.
    — C’est bien ce que je fais. Nous allons à vauvent, mais gare à la tempête !
    Ils s’arrêtèrent sur un bas-côté du chemin. Tinchebraye, Joubert, Le Hanvic et Jaucourt en firent autant. Un homme passa et les salua : Courvaudon. Il riait au soleil ; nul doute : il était certain de la victoire. Roide dans une armure blanche dorée au colletin, cubitières et genouillères, les éperons ornés de fins grelots, il chevauchait un roncin roux dont il avait couvert les sabots de dorures.
    — Une chevalerie de fous et d’orgueilleux, dit Jaucourt.
    — Oui, approuva Thierry. Nous lui appartenons, cependant… Apprends à tenir ta langue car si ces hautains se complaisent à se moquer des autres, surtout des hurons et manants, ils ne permettent pas que l’on se rie d’eux.
    — Moi, dit Ogier, j’ai l’intention de honnir [337] Charny à la première occasion.
     
    *
     
    — Je sens la mer, dit Sapienza le nez au vent.
    — Moi, dit Courteille, je sens les sueurs de ces milliers d’hommes qui piètent dans ce pays qui n’est pas si beau que la Normandie.
    — … et la Bretagne ! ajouta Mahé.
    Ils chevauchaient dans un chemin creux, deux par deux, et la piétaille dont les longs cordons discontinus occupaient les crêtes jetait sur les cavaliers une ombre interminable et dansante. Nul ne savait où l’on était, le seul village entraperçu ayant été ruiné par les Goddons l’année passée : des arbrisseaux poussaient à l’intérieur des maisonnettes ; des ronces, des chardons, des herbes verdoyaient sur la suie des gravois.
    Le chemin s’éleva, les champs réapparurent envahis de chevaux, de guerriers, de chariots ; l’armée s’y déploya autant qu’elle le pouvait avec, semblait-il, la volonté que rien ne subsistât sur les terres, sauf les arbres, qui ne se pouvaient écraser. Il devait être midi ; le soleil frappait les épaules, les bassinets et les chapeaux de fer, les crinières et les croupes, et certains bœufs du bagage et de l’artillerie, qui n’en pouvaient mais, beuglaient comme à l’abattage.
    — Nous allons lentement, dit Ogier. Nous devrions être en vue de Calais.
    — Le roi s’est arrêté deux fois pour crotter dans des boqueteaux… Ça nous a retardés, dit Thierry en bâillant soit de faim, soit de lassitude.
    — Je suis sûr, dit Joubert, qu’il souffre de coliques.
    — Avant Crécy, dit Tinchebraye,

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