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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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même qu’il se fut élancé à sa conquête, la prise du donjon de Sangatte avait au moins une conséquence inattendue et bienfaisante : celle de tirer les leçons d’un fourvoiement qu’il se refusait bêtement sans doute à croire irréparable.
    — Elle m’a charmé, dit-il. C’était pour moi la plus belle de toute la damerie de Chauvigny… et du monde.
    C’était cette féminité simultanément modeste et accomplie et cette grâce apparemment foncière, mais peut-être apprêtée pour le séduire, qui l’avaient ébloui. Dans l’enivrement de la passion et la sereine jubilation d’une brève cérémonie nuptiale acceptée par Blandine sans la moindre réticence, comment eût-il pu pressentir que leur union susciterait en quelques semaines, chez son épouse, moins d’élans que de dérobades comme si ce qu’elle prenait chez lui pour une intempérance charnelle pouvait préjudicier sa beauté, sa jouvence et ce qu’il fallait bien appeler sa suzeraineté sur lui. Sans doute – sauf une –, ses rares et moelleuses soumissions à ses devoirs d’épouse n’étaient-elles que des simagrées relativement plaisantes destinées à maintenir entre eux le lien désépaissi du mariage, et ses refus des punitions qu’elle s’infligeait autant qu’à lui pour avoir éphémèrement laissé son corps régner sur son esprit. Benoît Sirvin, qui l’avait prévenu de cet échec, eût certainement trouvé un nom à cette froideur désespérante. Que n’avait-il accepté ses conseils !
    Il sentit une main tapoter son épaule. Thierry compatissait à la mort de tant et tant d’espérances.
    — N’y pense plus, Ogier. Songe plutôt à ta prouesse dont le roi te saura bon gré. À la tête de Charny lorsqu’il saura ta réussite.
    — Impossible.
    Par quelle faiblesse insigne, en vérité, un bataillard tel que lui s’était-il privé de se revancher par des coups d’un fardeau de désillusions et d’humiliations intimes dont la gent de Gratot se doutait tout entière et sans doute patrocinait chaque jour ? Quelques jouées [363] opportunes eussent certainement assagi Blandine sans pour autant nuire à la douceur de sa peau. Certes, il avait songé à de tels châtiments et sa dextre l’avait maintes fois démangé. S’il avait renoncé à sévir, c’était après s’être dit qu’il ne pourrait guérir ainsi, définitivement, une épouse si obstinément enjalousée de tout ce qui le concernait. Une pimpesouée qui, bien que sa grossesse fût quasiment inapparente, semblait avoir pris en aversion une nudité toujours tentatrice et qu’elle dissimulait à ses propres regards autant que faire se pouvait. Or, puisqu’il était incidemment question d’habillages et de déshabillages, de quels noms affublait-elle les légitimes désirs de l’homme qu’elle avait moins choisi qu’accepté pour époux et grâce à la dévotion duquel elle avait fui sa famille ? Éprouvait-elle désormais quelque regret de son absence ? À défaut d’être choyée par lui, se satisfaisait-elle toute seule ? Dans le grand lit devenu son entière propriété rêvait-elle d’amours chastes et prudes auprès d’un chevalier issu de la haute noblesse et pourvu d’un cœur mou, spacieux comme un bassinet, et d’un sexe d’enfançon ?
    « Si je survis et reviens à Gratot, je la molesterai pour chaque reculade !… Je la forniquerai quand l’envie m’en prendra… Je la contraindrai à s’abonnir. Si je n’y parviens pas, je la ramènerai à Poitiers avec ou sans enfant ! »
    Et il songeait à tout cela maintenant, dans la déréliction et l’incertitude la plus pénible qui se pussent concevoir !
    Il réintégra les réalités :
    — Je ne prendrai que Joubert et Tinchebraye… Joubert, parce qu’il portera ma bannière. Tinchebraye, parce qu’il est fort et plein d’astuce… Et parce que avec ces deux-là j’ai pu entrer dans Poitiers et en sortir… C’était pourtant une tout autre entreprise que de conquérir un beffroi mal défendu !
    — Soit, Ogier : je resterai, capitula Thierry. Je suivrai le roi… S’il donne l’assaut à Calais, nous en serons, nos soudoyers et moi… S’il décide de revenir au palais sans rien tenter – je n’ose y croire, mais avec un tel homme tout est possible –, nous reviendrons à Gratot… Mais je suis sûr que tu seras des nôtres !
    — Tu penses bien que je vais faire en sorte de ménager la vie de tous ces hommes, et celles de Joubert,

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