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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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patriote, comme tu dis, je hiérarchirais bien sur Édouard et son fils !
    Le Borgne et ses compagnons s’ébaudirent. Ogier fut reconnaissant au Normand d’avoir à sa façon bruyante et malicieuse mis un terme à des présentations désagréables pour ces capitaines :
    — Je sais, dit-il, qu’il doit vous en coûter d’obéir à un inconnu tel que moi. Sachez qu’à l’encontre de moult chevaliers qui sont présents autour de nous, je pense qu’à la guerre, les piétons et ceux qui vont à cheval – même le roi – sont dans le même panier, et qu’on ne fait rien de bon avec de la hauteur, de la jactance et moult autres choses qui sont le lot de la noblesse… À Crécy, dans les mêlées, j’ai vu autant de piétons nobles que de seigneurs de grand et petit estoc [366] . Et c’est le plaisir que les prud’hommes ont à désobéir qui nous valut la déconfiture… Je vous conduirai comme des frères d’armes et non comme des soudoyers qui ne sont même pas de mon terroir ! Je serai avec vous à l’avant… Nous cernerons ce beffroi, et quand nous serons dans le second fossé, puisqu’il y en a deux, vous me rejoindrez avant l’assaut pour que nous le menions à bien en évitant des pertes inutiles : les archers Goddons sont les meilleurs que je connaisse… Il faut, pour nous en protéger, de grands écus…
    — Nous en avons, mais point trop, dit le Borgne de Bapaume.
    — Il faudra mettre tous ceux qui en ont à l’avant… Nous formerons un grand anneau qui se resserrera, derrière les écus, autour du beffroi… Il nous faudrait un bélier pour enfoncer l’entrée.
    — Nous avons mieux que ça, dit Perrinet Domat. De bonnes torches, de la graisse, et même quelques onces de cette poudre qu’on met dans les bombardes…
    Il était assez grand, roux, le visage rasé, crottu [367] . Une de ses heuses bâillait à son extrémité ; une de ses chausses mal ravaudées béait au genou et son surcot verdissait de vieillesse, sauf sur la poitrine couverte de petites écailles de fer. À sa large ceinture pendait un perce-mailles enfoncé dans un fourreau de bois. Trente-cinq ans, peut-être. Courrait-il aussi vélocement qu’il le faudrait ? Ne trébucherait-il pas avec cette heuse malade ?
    — Il faut des échelles, dit le Borgne de Bapaume, pour ressortir des fossés.
    — Certes, approuva Ogier. Il convient d’avoir tout ce qui est bon pour un siège… Mais je sais que vous en savez autant que moi !
    — C’est folie, grogna Yvon Marie, d’aller surquérir cette tour qui ne nous servira à rien !… Pas plus que cette guerre !
    Brun de poil et de peau – il avait les bras nus jusqu’aux coudes afin de manier sans gêne la lourde épée qu’il portait dans son dos –, l’œil ténébreux et vif, les dents d’une blancheur étonnante, il incarnait la violence et la joie, cette joie franche, entraînante, qui s’exprimait en tempête de rires souvent disproportionnés à leur raison d’être. Ogier sourit à cet homme assez petit et bedonnant qui maintenant immobile, silencieux et toujours souriant, irradiait du tumulte.
    — Je crains aussi que cette guerre ne soit vaine…
    « Mais tout n’est-il pas vain ? Les amours et les haines, les saisons, la vie ? Rien n’y correspond aux souhaits que l’on se fait ou qu’on exprime… On plante et viennent les orages… Que fait Blandine ?… Ce petit ou cette petite, en est-elle fière ?… Les verrai-je bientôt ? »
    Le Borgne adressa quelques recommandations à ses compagnons sur la façon de réunir les hommes. Ils approuvaient tout en regardant la tour, que l’on eût dite inhabitée mais, frappant une archère, un rayon de soleil révéla un éclat blanc et brillant : un homme veillait. À ses pieds, Ogier imagina de pleins carquois de sagettes.
    « Mourir ainsi percé ?… Non ! Non !… Si je meurs que ce soit mon épée à la main. »
    — Bien, dit-il au Borgne et à ses amis. Je vais rejoindre les miens juste le temps de me dépouiller de cette armure… Il me faut être léger pour cette course… Plus nous courrons vélocement, moins nous perdrons d’hommes… Je n’aurai pour toute arme que cette lame… Confiance, elle s’appelle…
    — Hâtez-vous, messire, dit Perrinet Domat. Bientôt, on n’y verra plus clair !
     
    *
     
    Il conduisait ce que Joubert avait appelé son armée. Il commandait à cent archers, cent guisarmiers, vougiers et picquenaires ; cinquante

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