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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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forteresses franques avaient été dégarnies et dans les villes, il ne restait que les femmes, les enfants et les vieillards… Le prince d’Antioche avait envoyé à l’armée chrétienne cinquante chevaliers commandés par son fils ; des guerriers de toutes les cités du comté de Tripoli avaient rejoint Raymond, leur prince. Les pèlerins, les nautoniers des nefs arrivées d’Occident, tous étaient accourus pour affronter Saladin… En tout cinquante mille hommes…
    — Et les autres ?… Les Mahomets étaient-ils plus ?
    — Bien plus ! Or, en chemin, on apprit que Saladin venait d’assiéger Tibériade où Eschive, la femme de Raymond de Tripoli, s’était réfugiée… Alors, ce fut la seconde faute !
    — De quelle espèce, messire ?
    Le vieillard haussa une épaule :
    — Raymond dominait tous les autres chefs par son honnêteté et son intelligence. Au conseil qui suivit cette nouvelle, il exposa qu’il fallait laisser les Mahomets s’emparer de Tibériade, bien que cette cité lui fut doublement chère, puisque son épouse y vivait… À quoi bon traverser plus de vingt lieues de désert pour se porter au-devant de l’ennemi, qui justement le traverserait et, la chaleur aidant, se rendrait ainsi impuissant à combattre, quelque accoutumé qu’il fut, pourtant, à la fournaise…
    Le mire avala quelques gorgées de vin et, d’un revers de main, essuya sa bouche, sa barbe broussailleuse et reprit, haletant un peu :
    — Là où ils s’étaient arrêtés, dans la plaine de Saffouriyah – ou Séphouri –, chevaliers, piétons, turcopoles [83] avaient de quoi attendre l’ennemi puisqu’ils se trouvaient pourvus en défenses, vivres, fourrage et surtout en eau. La soif tourmenterait les seuls Mahomets et leurs chevaux pendant la traversée des sables, de sorte que lorsqu’ils paraîtraient, en fort mauvais état, la victoire serait acquise…
    — Les propos de Raymond de Tripoli déplurent ?
    — Ils courroucèrent Gérard de Rideford ; il n’y vit que poil de loup, traîtrise si tu préfères, et fut aussitôt approuvé par ce grand bêta de Châtillon, qui prétendit que Saladin se trouvait en état de faiblesse… Quoique dépourvu ordinairement de bon sens, Lusignan eut un sursaut de circonspection. Il se rallia aux arguments du comte de Tripoli : on resterait à Séphouri…
    Nouveau soupir, suivi d’un regard attentif vers les buissons, les cimes défeuillées et les chevaux toujours paisibles.
    — À peine fut-il revenu sous sa tente que Lusignan y vit paraître Rideford. Le Grand Maître du Temple s’emporta : «  Ne suivez pas les conseils d’un traître  », dit-il. «  Vous êtes roi, Guy, depuis trop peu de jours : quelle honte pour vous si vous commencez votre règne en laissant prendre une cité chrétienne ! Vous disposez en tout de cinquante mille hommes ! Faites crier qu’il nous faut partir et que la Vraie Croix nous précédera ! » C’était le vingt-troisième jour du mois de rebîa’ second de l’an 583 de l’hégire… autrement dit : le vendredi 3 juillet…
    Soudain, le rire du vieillard éclata, bref et puissant :
    — La Vraie Croix ! Comme si deux bouts de bois pouvaient apeurer Saladin !
    Ogier ne se regimba pas : il attendait. Ce prologue était sûrement nécessaire.
    — L’armée marcha droit sur Tibériade. Soleil brûlant… Soif… Chevaux défaillants et piétons chancelants… Un casal – un village si tu préfères – se présenta, du nom de Marescalcia. On s’y arrêta, et aussitôt l’avant-garde des Mahomets apparut… Comme il fallait franchir des défilés étroits et des terres rocheuses pour atteindre la mer de Galilée, le comte de Tripoli fit dire à Lusignan de traverser Marescalcia pour atteindre au plus tôt le lac de Tibériade… L’eau, il fallait de l’eau, même tiède ! Le roi de Jérusalem était de cet avis, jusqu’à ce qu’une échauffourée, à l’arrière, vint l’effrayer !… Il ordonna de planter les tentes, mais tourné vers le Maître du Temple soudain inquiet, lui aussi, il s’écria : «  Hélas ! Hélas ! Tout est fini. Nous sommes tous morts et le royaume est perdu ! » La nuit tomba ; les Maures se pressèrent en foule autour des chrétiens et mirent le feu à la plaine couverte d’herbes sèches et de bruyères… Flammes, fumées, chaleur, sagettes, épieux… Toute la nuit fut un enfer !
    — Et la Croix, messire ?
    Benoît Sirvin parut sourd

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