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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Mahomets l’admirèrent au point qu’ils voulurent tremper leurs mains dans son sang et se partagèrent ses vêtements et ses armes pour s’en faire des reliques… Rideford et deux chevaliers avaient fui… Peu après, le patriarche Héraclius partit pour l’Angleterre demander du secours à Henri II.
    Benoît Sirvin regarda le ciel, les buissons et les arbres. Au sommet de l’un d’eux, dénudé, une seule feuille frémissait.
    — Regarde-la, Ogier. Elle est comme moi : la dernière… Elle résiste ; elle durcira aux vents et aux pluies ; on pourrait presque ainsi la croire immortelle… Mais elle tombera et deviendra terreau… Moi aussi… Quant à Henri II Plantagenêt, sa réputation d’homme de guerre s’était étendue jusqu’en Orient. Pour expier le meurtre de l’archevêque de Cantorbery, il avait promis au Pape de guerroyer en Palestine. Héraclius lui présenta les clés et le gonfanon du Saint-Sépulcre et l’adjura d’accomplir son serment. Henri protesta de son zèle pour la complète délivrance des lieux saints et consentit à pourvoir aux dépenses de la guerre, pas plus. Le gros porc d’Héraclius revint furieux à Jérusalem. De nombreux présages annonçaient la fin des colonies chrétiennes : orages démesurés, tremblements de terre, éclipses de lune et de soleil, tempêtes auprès desquelles les violents souffles du Khamsin, le vent de sable, paraissaient de doux zéphyres… C’était le temps où la perversité gouvernait… Si tu lis un jour Ézechiel [82] , tu y trouveras Jérusalem décrite sous l’emblème d’une prostituée, et c’était bien ce qu’on y pouvait voir ! La débauche régnait partout, et comme le prophète, on eût pu hurler aux quatre coins de la cité : «  Au milieu de tes abominations et de tes adultères, tu ne t’es point souvenue du temps de ta jeunesse, alors que tu étais nue et découverte, gisante dans ton sang, près d’être foulée aux pieds  »… Et l’on eût pu clamer que l’Éternel l’abandonnait, qu’elle serait livrée aux mains qui abattraient ses maisons de débauche et ruineraient ses hauts lieux. «  Ils feront monter contre toi une foule de gens qui t’assommeront de pierres et qui te mettront en pièces avec leurs épées ! » Et l’on eût pu, crois-moi, la comparer à Sodome !
    Le vieillard soupira, frotta lentement ses genoux, bâilla comme s’il avait sommeil ; mais son œil restait vif tandis qu’il observait, sur le sol, une procession de fourmis.
    — Tout ce que je te dis, sans trop de désordre, est nécessaire. Tu le constateras bientôt…
    — Je ne me lasse pas, messire. La nuit vient… Prenez votre temps…
    L’intérêt, la curiosité qu’Ogier se découvrait, le surprenaient. Il se sentait possédé par l’envie de tout connaître, dût-il sombrer dans l’affliction ou le courroux.
    — J’en étais à Héraclius… Lorsqu’il revint, Raymond de Tripoli, qui détestait Rideford et Lusignan, venait de se réconcilier avec eux, tant il sentait la chrétienté d’Orient menacée. Les Mahomets semblaient décidés à étendre définitivement leurs conquêtes ; ils formaient une pieuvre immense et blanche dont les membres menaçaient toutes les grandes cités ; et quand ils avaient arrêté leur choix sur l’une d’elles, tu pouvais t’attendre à ce qu’elle soit perdue… Tandis qu’une armée se constituait pour affronter l’ennemi, le patriarche manda les chevaliers du Temple, leur dit qu’il se sentait fiévreux, incapable de se joindre aux hommes d’armes et leur enjoignit de veiller sur la Vraie Croix, qu’il venait de confier aux évêques Rufin de Ptolémaïs et Bernard de Lidda …
    Le vieillard considérait ses orteils à travers les lanières de ses sandales. Une fourmi s’égara sur l’une d’elles ; il l’y laissa.
    — Cet immonde prélat aux amours scandaleuses avait flairé la défaite. Et si certains évêques craignaient que la Croix ne puisse revenir à Jérusalem, il se moquait bien, lui, qu’elle tombât aux mains des Mahomets !
    — La bataille pouvait être gagnée !
    — Je te l’accorde, Ogier, mais les pécheurs parvenaient au terme de leurs excès. Les sages le savaient, les insensés niaient les faits. Le plus grand péril que les gens d’Occident eussent connu sur cette terre rassembla tous les hommes en âge de porter une arme. Ils marchèrent vers le Nord sans se soucier de commettre une première faute : les

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