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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à cette question.
    — Au petit matin, Saladin sortit de Tibériade conquise pour offrir le combat aux chrétiens.
    — Et la Croix, messire ? insista Ogier. C’est ce jour-là qu’elle fut perdue !
    Un malaise le gagnait ; il se sentait sur le seuil d’une découverte importante. Et terrible.
    — Il fallait négocier, reprit Benoît Sirvin. Une trêve sincère eût été possible avec ce Kurde : il avait déjà fourni aux Francs moult témoignages de loyauté, de magnanimité et même, parfois, d’amitié vraie… Hélas ! sous l’impulsion de Rideford, les chrétiens entamèrent la bataille… On raconte que les piétons et les chevaliers formèrent une muraille de fer autour du Saint-Bois et de l’étendard de Jésus… On raconte que les prêtres s’étaient faits tout petits, sauf l’évêque d’Accron [84] , qui veillait sur la Croix et qu’avant de mourir, tout hérissé de flèches, il la confia à l’évêque de Lidda… Ce sont des bruits sans fondement !
    — Comment le savez-vous ?
    Benoît Sirvin eut un geste agacé :
    — La boucherie dura longtemps. Quand il fut hors de doute que la cause franque était perdue, le comte de Tripoli s’enfuit…
    — J’ai lu, messire, qu’un pèlerin avait vu la Croix tomber aux mains des Mahomets.
    — Ce témoin, Raoul de Coggestale, n’a rien vu. D’autres, Ibn-Alakir et Emmad-Eddin prétendirent, eux, que la croix avait été prise avant le roi de Jérusalem, et que les derniers combats eurent lieu sur la montagne de Hittin – le mont des Béatitudes où Jésus emmenait souvent ses compagnons…
    Benoît Sirvin frotta longuement ses genoux, comme un homme à l’issue d’une marche épuisante. Une expression de désespoir figea un moment le peu de visage qu’Ogier entrevoyait dans les poils blancs de ses joues.
    — Raymond s’est enfui à Tripoli pour y mourir de désespoir, accusé par les Mahomets d’avoir violé les traités, et par les chrétiens d’avoir trahi sa religion et son pays… Seuls survécurent le fils du prince d’Antioche, Renaud de Sidon, le jeune prince de Tibériade… S’il y eut des milliers de trépassés, il y eut aussi des milliers de captifs… Un an après la bataille, on pouvait voir les corps desséchés au soleil, et les armes inutiles… Deux ans après, on les voyait toujours, comme si le sable refusait de les ensevelir…
    — Qu’advint-il de Guy de Lusignan ?
    — Il supplia le vainqueur de lui laisser la vie.
    — Renaud de Châtillon ?
    — Saladin le décolla lui-même. Il avait bien raison : cet homme était une abominable crapule.
    — Gérard de Rideford ?
    — Ne te l’ai-je pas dit ? Cet outrageux eut la vie sauve et mourut à Accron mais avant, avec Lusignan, ils avaient eu la bassesse d’échanger leur honneur de chevalier contre une promesse de liberté. Décidément ignobles, ils accompagnèrent Saladin dans sa reconquête.
    — Et les Templiers ?
    — Il en restait deux cent trente. Saladin leur donna le choix entre l’abjuration et la mort. Nul ne faiblit. Ils périrent tous écorchés vifs… On eût dû vénérer ces martyrs jusqu’à la fin des temps… Et crois-moi, les chrétiens avaient mérité châtiments et défaites car suivant l’exemple de Godefroy de Bouillon, ils avaient occis plus de Mahomets – hommes, femmes, enfants – que leurs adversaires n’avaient occis de Francs… En fait, c’est un fleuve de sang que ton Jésus pourrait se glorifier d’avoir répandu sur le sable de ce pays…
    Ogier avait perçu, depuis quelques moments, un changement chez le vieillard. Si son allure lasse subsistait, sa voix devenait d’une acerbité vive, haineuse. Paisible, il crut bon de répliquer :
    — L’Ordre du Temple, messire, a contribué à ces destructions.
    Sa voix mate, plate comme un fer d’épée, l’étonna autant que celle du vieillard. « Hé là ! » se dit-il, « ne nous querellons pas. » Se baissant, il arracha un brin d’herbe et se mit à le mordiller.
    — Comment pourrais-je nier, Ogier, que nous étions présents à des batailles dont jamais nous n’avons tiré le moindre orgueil ? La jactance ? La présomption ? C’était pour un Gérard de Rideford… Mais ne sais-tu pas qu’il fallait que nous fussions assaillis trois fois pour tirer notre lame du fourreau ?… Templiers du commencement à la fin de cette longue aventure, nous devions protéger, abriter, soigner les pèlerins de Palestine, et si nous

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