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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dans son désir une sorte d’ébahissement, d’incertitude et d’inachevé. Il ne pouvait pleinement croire que Blandine était son épouse et qu’il pouvait l’étreindre là, maintenant, sans craindre de commettre…
    « Quoi ? » se demanda-t-il, inquiet, tandis que joignant vivement ses mains la jouvencelle chevrotait :
    — Je serai bien aise quand j’aurai quitté cette maison… Emmène-moi !… Emmène-moi dès ce soir… Mon oreille me fait moins mal… Je supporterai de chevaucher…
    Il surprit deux petites larmes dans ces yeux implorant où le chagrin soudain à son déclin se transmutait en ire.
    — Nous partirons après-demain.
    — Pourquoi pas demain ?
    — Parce qu’un jour de repos revigorera Plantamor et Marchegai… Ta… ta mère n’est pas venue, seule ou accompagnée, pour te reprendre ?
    — Non… Elle doit savoir que nous sommes mariés… Elle n’a pas bougé, sans quoi les soudoyers que tu as apostés te l’auraient dit. Elle a le cœur sec. N’en parlons plus.
    Blandine paraissait avoir le cœur sec, elle aussi, en décidant : « N’en parlons plus » d’un ton à la fois las et sévère. Souffrait-elle de cette rupture et voulait-elle dissimuler son chagrin ? S’était-elle accommodée, au contraire, d’une séparation d’autant moins douloureuse qu’elle y aspirait depuis des années ? Quoi qu’il en fût, elle était en contradiction avec les coutumes nobles qui exigeaient de longues fiançailles et même, parfois, des épreuves dont le futur époux devait triompher sans jamais se plaindre d’y être astreint. Bien que la seconde épouse de son père ne lui fut rien, elle avait vécu trop longtemps dans son giron et subi, quelle que fut sa douceur foncière, la contagion de sa froideur et de sa hautaineté.
    — Ne te courrouce plus contre elle, dit Ogier, amène. Il se peut qu’elle soit dolente… Qu’elle ait découvert qu’elle t’aimait sans vouloir se l’avouer…
    — Elle n’a d’amour que pour son fils… N’en parlons plus…
    Les jambes remuèrent sous les draps. Quand les verrait-il ? Quand la verrait-il ? Maintenant ? Sirvin ne viendrait pas troubler leur quiétude. Après qu’il eut visité ses hommes en sa compagnie, le vieillard l’avait fait entrer dans cette pièce d’où le grand Christ peint, aux yeux d’émeraude, avait été ôté. Mais la Croix demeurait, allongée contre le mur où subsistait, seul, le gros clou dont le maniement commandait l’entrée de la crypte au fond de laquelle le mire s’adonnait au grand œuvre. Il s’était approché. Était-ce vraiment la Sainte Croix de Jérusalem ?
    Ogier ferma les yeux. Il avait craint, en se signant, de provoquer quelque moquerie de son hôte, mais celui-ci s’en était abstenu. Il avait rempoigné sa corne de narval et tapotant les dalles de son extrémité, il avait murmuré : « Cette nuit, je la placerai, dans le charreton… Je te remettrai une custode contenant le sceau et l’anneau dont je t’ai parlé… Si tu veux être à la Noël à Payns, il te faut quitter Gratot fin novembre. » Tout paraissait aisé…
    — Pourquoi, mon époux, sembles-tu si maussade ?
    Pour toute réponse, Ogier baisa les lèvres fraîches tendues vers les siennes et connut leur douce et tendre saveur tandis que Blandine entourait d’un bras léger cette nuque de mari, le premier homme, dit-elle avec une gravité fugitive, qu’elle osait baiser ainsi.
    Sa main en conque appuyée sur l’épaule de la jouvencelle et n’osant la dénuder de crainte de l’apeurer, Ogier tremblait de joie et de ravissement. Les yeux perdus dans les brillances dorées de ceux qui l’observaient, il éprouvait avec délices la certitude d’un amour sans pareil. Qu’importait la froide et hâtive cérémonie de leur mariage ! Noces de fer, noces de guerre… C’était merveille de s’aimer ainsi… Qu’importaient les batailles à livrer aux Goddons ! Dieu ne pouvait et ne pourrait dissocier leurs destinées ! Leur passion les plongeait dans un émoi si véhément que leurs rires, leurs soupirs paraissaient des sanglots.
    — M’aimes-tu, Ogier, aussi fort que je t’aime ?
    — Davantage… Et plus encore que tous les preux des livres emboisés [116] par des pucelles et gentilfames !
    Il la chérissait tellement, en cet instant, que leur étreinte chaste suffisait à son plaisir, tout imprégné du goût et de la senteur de cette eau de menthe dont la chair et la

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