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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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guerre. Seul survivant des persécutés du Temple, ce vieillard intègre viendrait le secourir où qu’il fût, à travers l’espace et le temps. C’était une satisfaction que de le savoir.
    — À quoi songes-tu ?
    Ogier décida d’être sincère :
    — Je vous ai admiré avec un soupçon de crainte. À celle-ci s’est joint, à Montgaugier, un sentiment de répulsion vivement éteint malgré tout ce que vous m’avez énarré…
    Il n’en dit pas davantage. Il savait que lors de certains événements, il saurait remplacer ses qualités et ses vertus – s’il se pouvait qu’elles fussent hors du commun – par une sorte de morne indifférence. Tout comme ce vieillard à barbe de prophète.
    Sa mélancolie se dissipa. Il devait être heureux. Joyeux même : il était amouré d’une beauté providentielle. Tout allait lui devenir aisé. Il se sentait enclin à tous les courages, toutes les vaillances et ne devait rien craindre des jours à venir.
    — Tu ne m’as pas révélé toute ta pensée.
    — Certes, messire… Adoncques, je crois que plutôt que de m’avoir pris en amitié, vous exercez sur moi une espèce de paternité.
    L’ancien chevalier à la croix rouge, le réchappé des tourmenteurs du roi Philippe IV se détourna pour dérober son visage à son jeune compagnon.
    — Tout commence pour toi et s’achève pour moi. Or, sache-le : une satisfaction des plus belles pour le vieil homme que je suis est de savoir, avant que de nous séparer, quel sentiment généreux je t’inspire.

VIII
    Une immense fumée boursouflée de neige et de plomb dissimulait l’embrasement du soleil. Au-dessus, le ciel avait une roseur charnelle, et ce rose frêle emplissait la chambre où les draps formaient une tache claire que Blandine animait de ses remuements. Sur l’appui de la fenêtre déclose, une colombe se posa pour s’envoler à l’approche d’une autre.
    — Vas-tu mieux ?
    — Bien mieux… J’ai dû dormir tout ce jour d’hui… Qu’as-tu fait ?
    Ogier sourit tant le passage du vous au tu paraissait malaisé à la jouvencelle. Il posa sa dextre sur la sienne :
    — Sirvin a voulu me montrer un lieu qu’il tenait à ce que je connaisse.
    — Était-ce loin ?
    — Oui… Nous en revenons seulement. Je me suis absenté deux jours.
    — Deux jours !… Ai-je tant dormi ?… C’était où ?… Qu’as-tu vu ?
    Ogier balança entre la raison et la vérité.
    — Une grande maison ruinée, à Montgaugier, près de Mirebeau… Nous en sommes partis à l’aube… Quinze lieues chaque jour…
    — Pourquoi t’a-t-il mené au diable ?
    — Au diable si tu veux, m’amie… Cela est de peu d’importance.
    Blandine se dégagea ; Ogier se sentit dévisagé avec une adoration dont il fut surpris de concevoir l’immensité tandis qu’elle suppliait :
    — Oh ! dis-moi… J’aimerais savoir…
    Cette fois, la curiosité s’affirmait. « Pourquoi le lui cacherais-je ? » Cependant, Ogier atermoya encore, pour se décider à mentir :
    — Il est né en ces lieux… et voulait voir une dernière fois sa maison… Par crainte des Goddons ou d’une défaillance, il tenait à ce que je l’accompagne.
    Elle devait être satisfaite ! Comme elle portait ses mains à son front pour en ôter quelques cheveux agaçants, elle dénuda une de ses épaules. Nue. Elle était nue ! Il se sentit pâlir en voyant cette peau blanche, cette aisselle d’or mousseux au pli imperceptible, cette rondeur où les veines laçaient leur tendres cordelettes ; et comme il effleurait l’oreille malade, il vit sous l’arc des sourcils réduits à une ligne dorée, les yeux d’ambre scintiller tandis que les lèvres souriantes découvraient des dents petites, aussi brillantes que le creux de certaines coquilles.
    — Continue de me toucher ainsi… Cela me fait autant de bien que les potions de ce mire.
    — Tu ne l’aimes pas.
    Une gravité inattendue, peut-être un flux de méchanceté dessécha un moment les traits si purs de la pucelle.
    — Cet homme est singulier… Cette femme, la muette, si étrange… Je me sens tout estorbée [114] en leur présence, et pourtant, avant que tu ne reviennes, cette meschine [115] m’a préparé un bain qui sentait la menthe, là-bas, dans la chambre voisine…
    Il se pencha, appuya son nez sur l’épaule découverte :
    — C’est vrai que tu sens bon !
    Son cœur battait. Il y avait soudain, dans son admiration, un grain d’angoisse,

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