Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon
belle province Ordre, Paix et Sécurité. Elle compte se présenter ici dans l'après-midi même de ce jour.
Bien qu'Agnès f˚t une bonne cavalière et qu'elle l'e˚t prouvé en accomplissant à cheval une grande par≠tie du trajet depuis Aix, Erwin, soulignant qu'elle représentait, même très indirectement, l'autorité
impé≠riale, estima nécessaire qu'elle se rende en voiture et accompagnée par deux domestiques au domaine du
maraîcher.
Elle fut accueillie avec de grands honneurs par Drusus, Gloria, sa femme, leurs enfants et leurs serviteurs, tous impressionnés par la beauté, le maintien et le charme de leur visiteuse. Aurélia, qui se tenait un peu en retrait, vint, à l'appel de la maîtresse de maison, saluer l'envoyée des missi dominici. Celle-ci dut d'abord accepter de déguster quelques g‚teaux et un gobelet de vin doux aux aromates en compagnie de ses hôtes avant de pouvoir s'entretenir tête à tête avec l'amie de Laure.
Bien qu'elle se présent‚t avec un air de grande timi≠dité, Aurélia était en fait une jeune fille très détermi≠née. Tant que Gloria s'était tenue à son côté elle avait atténué l'ardeur de son regard. Maintenant Agnès pou≠vait lire dans ses yeux noirs franchise et intrépidité. Seule à seule avec cette visiteuse si séduisante, elle avait déposé son masque. Entre les deux femmes la confiance fut immédiate et complète. Aurélia s'était assise par respect à quelque distance d'Agnès. Celle-ci lui fit signe de se rapprocher. Elle se pencha vers elle et prit les mains de la jeune fille entre les siennes.
- Je devine, dit-elle, quelle peine tu as d˚ ressentir quand tu as appris de quelle manière inf‚me Laure avait été mise à mort. Peut-être était-elle ton amie la plus chère?
Elle l'était !
Je sais ce que c'est que de perdre un être aimé, hélas ! Crois bien que je suis de tout cúur avec toi.
Elle observa un court silence.
Tu as d˚ comprendre à mon accent que, si je suis aquitaine comme toi, je ne suis pas originaire du même pays.
Ton accent se rapproche de celui des gens de la grande montagne.
En effet ! Je sers, comme on a d˚ te le dire, les missionnaires de l'empereur Charles. Ce qui s'est passé ici leur a paru si épouvantable et si insupportable qu'ils ont décidé d'intervenir eux-mêmes pour rétablir Justice et Ordre. Tu peux être assurée que les meur≠
triers vont payer leurs crimes cher, très cher !
qu'ils br˚lent en enfer pour l'éternité! jeta l'amie de Laure.
Avant le ch‚timent éternel ils en subiront
d'autres sur cette terre ! Cependant, pour mener leur t‚che à bien, les missi dominici doivent s'appuyer sur des témoignages. Ils comptent sur le tien. Une pre≠
mière chose les intrigue : l'union de Laure et de Harbald, ses circonstances, son éventuel enjeu. Selon Catulle le Borgne, elle aurait comblé les vúux de sa fille; les deux jeunes gens se seraient épris l'un de l'autre et auraient demandé à leurs familles de couron≠
ner leur passion par un mariage.
Aurélia s'était dressée, outrée.
Mensonge, mensonge éhonté ! s'écria-t-elle. Ce mariage leur a été imposé. Geroul était, et est toujours, en relation de négoce avec Catulle, par exemple pour vérifier l'aloi des paiements, pour les changes, et bien d'autres choses encore. quant à Catulle, le commerce des draps lui rapporte beaucoup d'argent. Alors, pour resserrer leurs liens...
Je vois. Mais il peut arriver que des mariages de raison soient aussi des mariages d'amour.
Aurélia pouffa.
-
Mariage d'amour? On ne connaît pas cela par
ici!
Ailleurs non plus, il faut le dire, ou rarement.
Les filles sont toujours mariées, surtout dans notre monde, pour des raisons d'intérêt. Avec ou contre leur gré.
Ont-ils marié Laure contre sa volonté ?
Comme nous toutes, elle était résignée d'avance, mais à sa façon, avec des exigences. Or Harbald est bel homme, aimable, trop aimable, prévenant. Parmi les jeunes gens que nous rencontrions à la promenade, il lui est apparu acceptable. Elle aurait préféré Rémi ; les parents de celui-ci ne sont que des artisans de petite condition. Elle a d˚ accepter Harbald.
- Et lui?
-
En apparence, comme elle, il s'est incliné devant la volonté des familles. Cependant, on ne l'a appris que par la suite, il s'est opposé à ce mariage des mois durant, accumulant les objections, ce que son père ne, comprenait pas car Laure était un bon parti et, de plus, belle, très
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