Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon
sécurité aux frontières de l'empire, face à des Sarrasins remuants, au sud de Barcelone. Il avait retrouvé à cette occasion Guénard, ancien chef de la garde du comte Thiouin. A la suite de l'affaire d'Autun1
(1. Cf. Le Poignard et le Poison, 10/18, n∞ 2581.) , il avait été condamné
à être rétrogradé et à servir comme simple patrouilleur en Septimanie.
Depuis, sa conduite héroÔque, notamment lors de la conquête de Barcelone, lui avait valu d'être réhabilité et de retrouver un commandement. Le Nibelung et le Saxon évoquèrent avec plaisir et émotion cette première enquête qu'ils avaient menée ensemble dix années auparavant, dans l'ancienne capitale des …duens, et au cours de laquelle leur amitié était née.
Revenant à ce qui les occupait pour l'heure, ils décidèrent de procéder, dès le lendemain matin, à une pre≠mière évaluation des résultats déjà
obtenus dans les recherches en cours, avec la participation de leurs assistants et aides.
Après que ceux-ci, y compris Agnès, eurent rapporté les témoignages qu'ils avaient recueillis, en formulant des appréciations prudentes, le comte, lui, n'hésita pas à formuler un jugement sans nuance : En somme, déclara-t-il, tous tant qu'ils sont, ils mentent ! Peu ou prou, mais ils mentent.
Je dirai qu'ils n'avouent pas toute la vérité, tout ce qu'ils savent, rectifia Erwin sur un ton conciliant.
Cela revient au même, non?
Pourtant, avança Agnès, il m'a semblé qu'Auré≠
lia ne me celait rien.
Je ne parlais bien entendu que de ceux qui
appartiennent aux familles directement touchées par ces meurtres, expliqua Childebrand.
Il adressa un sourire à Agnès.
-
Je ne veux pour preuve de leurs mensonges ou
de leurs dissimulations, comme on voudra, que le témoignage de cette Aurélia ! Sans elle, aurions-nous appris la... défaillance de Harbald et le désastre de son mariage, alors que leurs proches nous décrivaient une idylle?
S'adressant à Doremus, le comte ajouta :
Je regrette de constater que ton cousin et hôte n'a pas moins que les autres cherché à nous en faire accroire.
Oh, mais je ne me suis jamais porté garant de ses dires ! Dès le début certains silences m'ont mis la puce à l'oreille, au contraire.
-
Je te reconnais bien là.
Timothée se tourna vers le comte.
-
Il n'est que trop vrai, seigneur, approuva-t-il, que ces gens manquent de franchise. Un autre exemple me vient à l'esprit : je serais très étonné que Clémence, l'épouse de l'armateur Foucaud, soit ‚gée de quarante ans, comme elle le prétend.
D'habitude les femmes aiment se rajeunir. Elle a cru bon, elle, de se vieillir. Je ne lui donne pas, moi, trente-cinq ans, et encore...
-
Et tu te connais en la matière, hein ! Mais cette coquetterie à l'envers présente-t-elle de l'importance?
Ce fut Erwin, pensif, qui répondit :
-
Cela peut ne pas en manquer et prendre place
parmi les énigmes à résoudre comme la disparition d'Amalbert, avec ou sans son fils, les circonstances exactes de l'enlèvement de Laetitia et aussi, d'ailleurs, de Laure, de leur mise à mort...
A cet instant, un garde passa la tête par l'ouverture de la porte qu'il avait entreb‚illée et adressa un signe à Sauv‚t. Ce dernier, d'abord, avec un geste d'agace≠ment, signifia à l'importun qu'il devait attendre la fin de la réunion. Mais l'homme insista. Sauv‚t, après en avoir demandé
l'autorisation, rejoignit le garde et sortit de la salle avec lui. Il y revint peu après avec un visage qui montrait un grand trouble. Childebrand, qui connaissait son sang-froid, comprenant qu'il venait d'apprendre une nouvelle grave, après avoir échangé quelques mots avec Erwin, l'invita à
s'exprimer.
Seigneurs, dit Sauv‚t d'une voix émue, le
commandant Justus demande que vous vouliez bien l'entendre : une jeune femme vient d'être trouvée à
proximité du grau de Narbonne, noyée de la même façon que les précédentes ! Puis-je le faire entrer ?
Fais donc! ordonna le comte Childebrand.
Le commandant de la garde du comte entra dans la salle de délibération d'un pas décidé sans pouvoir cependant dissimuler son émotion.
Nous t'écoutons, dit le Nibelung sur un ton sec.
Justus toussota pour s'éclaircir la voix.
Assez tôt, ce matin, commença-t-il, Aymeric...
De qui s'agit-il? s'enquit le comte.
C'est un négociant important qui fait commercfc avec tout l'Orient, Sarrasins compris. Il possède des entrepôts et une demeure à
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