Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon
et calme-toi ! quant à me rappeler les règles du savoir-vivre, ce serait sans doute plus difficile que tu ne semblés le croire. Apprends que le barbu hellène que je suis a embroché plus d'un moustachu vantard. Mais cessons cette dispute ridicule et reprends place !
Le fils de Nadjet se rassit en bougonnant.
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Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi tu as pris la mouche, car ce que je sais à ton sujet, expliqua le Gou≠
pil, est de notoriété publique. Ta mère elle-même ne le démentira pas. Cependant, ce qui m'intéresse pour l'instant, ce n'est pas ton destin, c'est celui d'Emme-ran ! Selon Aymeric, alors que tu avais réussi, toi, dans tes entreprises douteuses, le jumeau de Harbald, lui, a tout raté ! La malhonnêteté aurait fait de lui un gagne-petit de la friponnerie !
Nadjet approuva d'un lent hochement de la tête.
On affirme chez nous, dit-elle, que la griffe du diable se pose sur certains êtres non pour leur apporter richesse et gloire, mais pour faire en sorte qu'ils échouent dans tout ce qu'ils entreprennent, ce qui ne les empêche pas d'être damnés !
Ainsi d'Emmeran?
Je le pense.
Ce qui me surprend, nota Timothée, c'est qu'il ait continué à mener cette vie errante et scélérate, qui ne lui rapportait guère, sans essayer de reprendre une existence plus normale. Il aurait pu, à cette fin, deman≠
der refuge et aide à sa famille ou encore à vous-mêmes chez qui il avait vécu de si longues années.
Peut-être a-t-il essayé de rentrer chez lui et s'est-il heurté au refus de Geroul, de Harbald et de ses autres parents, qui avaient eu vent de ses méfaits et le savaient incapable d'y renoncer, avança Nadjet. Peut-
être a-t-il pris à tel point l'habitude de ce vagabondage aventureux qu'il ne peut plus s'en passer. Tu dois savoir aussi qu'il a très mal pris ce qu'il appelait son
" exil ", qu'il reprochait à son père, et à sa mère sur≠
tout, de ne pas s'être préoccupé de lui, et cela pendant des années.
A juste titre ?
Je le crains. Toujours est-il que sa rancune s'est transformée en haine au fil des ans. Dans ces condi≠
tions...
Je comprends. Va donc pour Geroul et les siens !
Mais vous-mêmes?
Nous avons eu, Emmeran et moi, des disputes de plus en plus vives dans les derniers temps de son séjour ici, précisa Amalbert. ,C'est à moi que revenait toujours, en définitive, la t‚che de réparer les dég‚ts qu'il avait faits, jusqu'au jour o˘ ils ont été trop graves pour que je puisse y porter remède. Situation d'autant plus f‚cheuse qu'ils risquaient de me compromettre !
Tu ne tenais pas, en effet, que des enquêteurs du comte ou de l'évêque, alertés par les méfaits d'Emmeran, viennent mettre leur nez dans tes propres affaires...
Donc, la situation devenant de plus en plus tendue entre vous deux, il a été mis à la porte.
Non pas ! plaça avec vigueur la maîtresse des lieux. C'est lui qui est parti ! Ce qui est vrai, c'est que je n'ai rien fait pour le retenir.
Cela dit, enchaîna Timothée, on peut se deman≠
der jusqu'o˘ l'a conduit une vie dans laquelle il n'a d˚
sa subsistance qu'à de rares coups de chance et surtout à des canailleries. Croyez-vous que, pour quelque bénéfice, il ait pu aller jusqu'à commettre un meurtre ou à en être le complice ?
Je n'en sais rien, avoua Amalbert. Tel que je l'ai connu ici jadis, je serais tenté de répondre que non.
Mais nous l'avons perdu de vue depuis longtemps et, lorsque, ces temps-ci, arrivant de Dieu sait o˘ et ayant fait Dieu sait quoi, il est réapparu dans ce pays, il n'est pas venu nous rendre visite comme naguère il le faisait encore quelquefois. Alors te dire de quoi il est capable aujourd'hui...
Le Seigneur des Cieux et le prince des enfers savent l'un et l'autre jusqu'à quel degré d'infamie, voire jusqu'à quels crimes, peuvent aller ceux qui sont à bout d'expédients. Et à ce propos...
Le Goupil caressa son collier de barbe en jetant sur son interlocuteur un regard perçant.
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... il va bien falloir en venir à la mort stupéfiante et barbare de ta compagne, n'est-ce pas ! J'attends de toi que tu me rapportes sans rien omettre ce qui s'est passé en ce jour o˘ elle a disparu pour être retrouvée, le lendemain, à des lieues d'Agde, noyée dans les eaux de l'étang de l'Ayrolle, près du grau de Narbonne, vic≠time d'un supplice inf‚me, celui-là même qu'avant elle avait déjà subi Laetitia.
Amalbert prit sa tête entre ses deux mains, montrant un
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