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Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon

Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon

Titel: Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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visage tourmenté.
    -
    Chaque détail de ces heures maudites est resté
    dans ma mémoire, dit-il d'une voix altérée.
    Il soupira et se reprit.
    J'étais parti le matin avec une escorte sur la voie Domitienne pour prendre en charge des prisonniers destinés à la servitude. quand nous sommes arrivés en vue du lieu de rendez-vous, j'ai constaté qu'ils avaient été parqués dans une enceinte autour de laquelle se dis≠
    simulaient des gardes du comte Sturmion. Ils nous attendaient pour nous abattre ou nous capturer.
    Car il va de soi que ce convoi d'esclaves était bel et bien illégal, plaça Timothée.
    Sans répondre, le trafiquant poursuivit :
    -
    J'ai compris que j'avais été dénoncé, trahi ! Il ne nous restait plus qu'à rebrousser chemin, ce que nous avons fait en silence, en abandonnant des esclaves que j'avais pourtant payés un bon prix. J'ai regagné Agde, fort en colère. Et quand, à la nuit tombée, je suis arrivé
    à ma villa...
    Il regarda au loin, comme s'il hésitait à raviver sa douleur.
    J'ai trouvé, reprit-il, mes domestiques aux cent coups : Laure avait disparu ! Elle avait quitté le domaine en fin de matinée pour une promenade, en emportant de quoi manger, laissant le petit Leuthard aux soins de Lucie, une servante qui nourrissait son enfant et parfois donnait aussi le sein à mon fils. Laure, plusieurs heures après son départ, n'était pas revenue !
    Nos serviteurs, alarmés, ont commencé des recherches.
    On l'avait vue non loin de l'anse aux esclaves.
    Des bateaux y étaient-ils déjà au mouillage ?
    Ils ne devaient accoster que le lendemain pour embarquer ma cargaison. Les miens, donc, ont battu la campagne, les buissons et les bois alentour. En vain.
    Après mon arrivée, fou d'angoisse, j'ai fait reprendre les recherches dans la nuit. quelle nuit ! quelle abomi≠
    nable nuit ! J'ai été saisi des plus sombres des pressen≠
    timents : si elle m'avait quitté...
    Car il n'était pas exclu qu'elle le fasse?
    .... jamais, au grand jamais, elle ne serait partie sans son enfant ! Si elle n'avait pas reparu, c'est qu'il lui était arrivé malheur! Et le surlendemain... ah, Dieu ! Par un de mes serviteurs qui revenait de Narbonne, j'ai appris la sinistre vérité. Je suis resté comme assommé! Laure, ma Laure, assassinée, et de cette monstrueuse façon...
    Elle n'était pas, hélas ! la première.
    Dès que j'ai pu me ressaisir, je me suis mis à la poursuite de la crapule qui avait commis ce forfait.
    Alors me sont parvenus aux oreilles des bruits selon lesquels j'étais accusé de ce crime, en raison des quel≠
    ques différends et disputes qui nous avaient parfois opposés, Laure et moi. Ces calomnies incitèrent les services du comte et ceux de l'archevêque à lancer des poursuites afin de se saisir de moi pour fraude, en attendant sans doute des accusations plus graves, car je les savais décidés, l'un et l'autre, à en finir avec moi !
    J'étais donc certain que, si j'étais capturé, je serais condamné sans jugement au plus cruel des sorts. La mort dans l'‚me, j'ai d˚ fuir avec les miens, en emme≠
    nant avec moi mon fils pour le confier à sa grand-mère puisque, désormais, il n'avait plus de mère. Te dire quel fut mon chagrin et quelle fut ma douleur, quelles furent les journées et les nuits que j'ai vécues, jusqu'à
    cet instant même, pensant sans cesse à cette tragédie...
    Je suppose que, si j'interroge ceux qui te sont restés fidèles, ils confirmeront en tout point ce que tu viens de me dire, avança le Grec.
    __ C'est la vérité ! __ Pas forcément.
    -
    Comment peux-tu oser le mettre en doute?
    s'écria Amalbert.
    -
    Parce que c'est mon devoir ! Allons, du calme !
    Le Goupil fixa son vis-à-vis.
    -
    Et aussi, expliqua-t-il, parce qu'on peut conce≠
    voir un tout autre déroulement des événements. Du calme, voyons ! Je partirai du fait avéré que ton union avec Laure allait de mal en pis. Inutile de protester, j'ai recueilli à ce sujet des témoignages irrécusables.
    Laure, d'abord charmée, avait été peu à peu déçue par ton attitude et par le genre de vie que tu lui faisais mener. Tu t'étais attaché au fils qu'elle t'avait donné
    au point de la négliger. En outre, elle réprouvait tes entreprises frauduleuses et surtout le commerce des esclaves que tu pratiquais, selon elle, d'une façon par≠
    ticulièrement sordide et cruelle.
    Le Grec se tourna vers Nadjet.
    Et elle n'était pas la seule à en juger ainsi, n'est-ce pas?

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