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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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eut peur. « Si seulement je pouvais parler à Polack, lui il aurait su comment faire marcher la combine. » Il regarda ses mains. « Je vaux bien un Polack. Je me tirerais d’affaire, que lui serait encore là à tenir le crachoir. » Il se prit le front. « Ils me tiendront ici deux jours seulement, puis ils m’enverront dans un autre hôpital, où c’est qu’ils gardent les loufoques. Une fois que j’y serai, je pourrai les imiter, les dingos. » Tout à coup, il se trouva de nouveau déprimé. « Ce toubib m’a à l’œil, ça sera pas facile de l’avoir. » Il s’approcha à cloche-pied d’une table, prit un magazine. « Si je m’en tire, se disait-il, j’écrirai une lettre à Polack. « Qui est le fou maintenant ? j’y dirai. » Il se mit à pouffer à la pensée de la figure que ferait Polack en lisant ça. « C’est seulement une question d’estomac », se dit-il.
    Il se recoucha, se. couvrit le visage avec le magazine, et resta sans bouger pendant une bonne demi-heure. Le soleil avait surchauffé la tente, on y était comme dans un bain turc, et il se sentait faible et misérable. Il se raidissait intérieurement, et soudain, sans penser, il se leva, criant : « Vous encule tous tant qu’zétes !
    – Te fais pas de bile, va », fit un des hospitalisés.
    Minetta lui lança, le magazine à la tête. « Y a un Japonais dehors, y a un Japonais, là, là ! » cria-t-il. Il regarda autour de lui, sauvagement. « Où c’est qu’y a un fusil, donnez-moi un fusil ! » Tremblant d’excitation, il s’empara de son fusil et le pointa à travers l’entrée de la tente. « Voilà le Japonais, le voilà ! » hurla-t il, pressant la détente. Il se raidit au bruit de la fusillade, un peu désorienté par sa propre audace. La pensée lui traversa la tête qu’il aurait dû être acteur. Il restait en suspens, s’attendant à être empoigné par les soldats, mais personne n’avait bougé. Ils l’observaient avec méfiance, figés d’étonnement et de crainte. « Jetez vos fusils, ils attaquent ! » dit Minetta, jetant à terre son arme. Il lui allongea un coup de pied, courut à sa couchette, la souleva et la rabattit avec violence, puis il s’écroula sur le sol de terre battue et se mit à hurler. Un soldat lui tomba dessus, pour le maintenir. Il se débattit pendant quelques instants, puis se calma. Il entendait des appels, des bruits de pas précipités. « Je parie que ça y est, se dit-il, hurlant et bavant. Ça c’est du boulot. » Il revoyait l’image d’un fou dans un film, où l’acteur avait de l’écume à la bouche.
    Quelqu’un le souleva rudement et l’assit sur la couchette. C’était le médecin qui avait pansé sa blessure. « Quel est le nom de cet homme ? demanda-t-il.
    – Minetta, fit quelqu’un.
    – Allez, fit le médecin, ça suffit comme ça, Minetta. Ça ne prend pas.
    –  Va te faire foutre, t’auras pas le Japonais ! » hurla Minetta.
    Le médecin le secoua. « Minetta, vous parlez à un officier de l’armée américaine. Si vous ne répondez pas poliment, je vous fais passer en conseil de guerre. »
    Pendant une seconde le souffle de la terreur passa sur Minetta. « J’y suis, mais j’y suis jusqu’au trognon », se dit-il. Ce mot lui rappela la fin d’une plaisanterie obscène, et il partit d’un rire un peu hystérique. L’écho de sa propre allégresse l’encouragea, et il se mit rire sauvagement. « Peuvent rien me faire si je m’y prends comme il faut », pensa-t-il vaguement. Il s’arrêta de rire tout soudain. « Va te faire foutre, fils de pute de Japonais », dit il. Dans le silence qui s’ensuivit il entendit un soldat : « L’est cinglé, y a pas à dire », puis une autre voix, en réponse : « T’as vu comment qu’il a visé avec son flingue ? Jésus, je pensais qu’il allait nous tuer tous. »
    Le médecin devint pensif. « Vous jouez la comédie, Minetta, je vous ai à l’œil, dit-il soudainement.
    – T’es un Japonais », dit Minetta. Il fit venir un peu de salive sur sa lèvre inférieure, puis pouffa brièvement. « Je l’ai baisé », se dit-il.
    « Donnez-lui un sédatif, fit le médecin à l’adresse de l’infirmier, et évacuez-le au numéro sept. »
    Minetta regardait le sol d’un œil trouble. Il avait entendu dire que le numéro sept était réservé pour les cas graves. Il se mit à cracher par terre. « T’es un Japonais ! » cria-t-il après

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