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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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étroit, et la jungle se fermait là-dessus presque complètement. Au bout d’une centaine de mètres ils se virent obligés de ramper à quatre pattes dans l’eau, la tête basse pour se protéger contre une pluie de débris végétaux. Bientôt après le ruisseau n’eut plus que la largeur d’un pas, pour s’effilocher finalement en une suite de minces filets qui suintaient à fleur des rochers. Ils n’eurent pas fait un quart de mille, que Croft décida qu’il était temps d’ouvrir une piste à travers la jungle. D’ailleurs, le ruisseau faisant un coude qui le ramenait en direction de l’océan, il devenait sans objet de s’y attarder plus longtemps.
    « Je m’en vas diviser la section pour tailler une piste, dit-il à Hearn. Mais vous et moi on y mettra pas la main, parce qu’on aura assez à faire sans ça. »
    Hearn était pantelant. Il ignorait tout de ce qu’il fallait faire dans une situation comme celle-ci, et il était trop recru de fatigue pour s’en inquiéter outre mesure. « Tout ce que vous déciderez, sergent. » Mais, tout de suite après, il fut pris d’un doute. Quand on avait un Croft avec soi, il était trop tentant de lui laisser toutes les initiatives.
    Croft jeta un regard sur sa boussole pour s’assurer de la direction dans laquelle il entendait voyager, avisa un arbre dans la brousse, éloigné d’une cinquantaine de mètres, le choisit comme point de repère, puis il assembla la section autour de lui et la divisa en trois équipes de quatre hommes chacune. « On va tailler une piste, leur ait-il. Pour commencer vous pouvez viser à une dizaine de mètres à gauche de cét arbre là-bas. Chaque équipe travaillera cinq minutes, puis se reposera pendant dix minutes. Y a pas de raison qu’on y passe toute la journée, alors pas de tire-au-cul. Vous avez dix minutes avant de démarrer, puis toi, Brown, tu y iras le premier avec tes. hommes. »
    Ils devaient s’ouvrir un chemin dans un quart de mille de denses broussailles, à travers lianes et buissons et bouquets de bambou, contourner des arbres, mordre dans le plus épais des ronces. Ce fut un lent et pénible travail. Deux hommes peinaient côte à côte, tailladant avec leurs machettes à la base du feuillage, piétinant les chutes à mesure qu’ils avançaient. Ils progressaient de deux mètres à la minute environ, travaillant plus vite quand la broussaille s’amincissait, ralentissant l’instant d’après face à des fouillis de bambou qu’il fallait tailler pouce à pouce. Il leur avait fallu trois heures pour remonter le cours d’eau, et à midi, après avoir taillé et saqué pendant deux autres heures, ils ne gagnèrent que deux centaines de mètres. Mais cela leur était égal ; chaque homme ne travaillant que deux à trois minutes sur quinze, en sorte qu’ils avaient le temps de récupérer leur souffle. Ceux qui étaient de repos s’allongeaient sur la piste, se reposant et plaisantant. D’avoir remonté jusqu’ici, les ragaillardissait ; ils savaient instinctivement que les collines à découvert mettraient fin à leurs peines. Après avoir ahané dans la vase et les courants de la rivière, après avoir eu la conviction qu’ils n’en verraient jamais la fin, ils étaient fiers et contents d’avoir tenu le coup, et pour la première fois certains d’entre eux se sentirent optimistes quant à l’issue de la patrouille.
    Cependant, Roth et Minetta se sentaient misérables. Minetta était en mauvaise forme après sa semaine d’hôpital, et Roth n’avait jamais été bien fort. La longue marche en amont de la rivière les avait brisés ; le labeur sur la piste était tuant, et malgré les périodes de repos ils ne parvenaient pas à récupérer leurs forces. Après un effort de trente secondes, quand il avait donné trois ou quatre coups de machette, Roth devenait incapable de soulever son bras. La machette, dans sa main, prenait le poids d’une hache. Il la soulevait à deux mains, la laissait retomber sans vigueur sur une branche ou une liane ; çà et là le couteau s’échappait de ses doigts moites et roulait à terre avec bruit.
    Les doigts de Minetta se couvraient d’ampoules, et le manche de la machette faisait entrer la sueur dans ses cloques. Il s’attaquait à un fourré, rageusement, maladroitement, s’exaspérait contre la résistance opiniâtre de la plante, puis s’arrêtait à bout de souffle, coupant ses hoquets de jurons à l’adresse du glauque et pulpeux

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