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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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les falaises au pied du mont Anaka et prirent sur leur gauche, piquant de roc en roc vers l’entrée du col. Peu après ils se trouvèrent au bout du défilé ; un espace ouvert s’offrit à eux, un prolongement de la vallée, long d’une centaine de mètres, qui aboutissait au col. Il n’y avait rien à faire pour le contourner. Hearn et Croft s’accroupirent derrière un rempart de rocs et discutèrent leur stratégie.
    « Faut qu’on se partage en deux escouades, mon lieutenant, et qu’une traverse pendant que l’autre la couvre.
    – Je crois que c’est ça », approuva Hearn. Il était bizarrement, singulièrement agréable de se tenir à l’abri d’un rocher et de se laisser pénétrer de chaleur et de soleil. Il aspira profondément. « C’est ce que nous allons faire, dit-il. Quand la première escouade arrivera au col, l’autre démarrera à son tour.
    – Oui », dit Croft. Il se massa le menton, examinant le visage d’Hearn. « Je prends la première escouade, hein, mon lieutenant ? »
    Non ! C’était là où il devait intervenir. « Moi je la prendrai, sergent. Vous me couvrirez.
    – Mais… bon, mon lieutenant. » Il se tut un instant. « Prenez plutôt l’escouade de Martinez. C’est où il y a la plupart des anciens. »
    Hearn fit oui de la tête. Il lui sembla déceler une trace de surprise et de désappointement dans l’expression de Croft, et il en éprouva du plaisir. Mais, l’instant d’après, il s’en voulut de sa réaction. Il se laissait aller à des enfantillages.
    Il fit signe à Martinez, levant un doigt pour indiquer qu’il voulait la première escouade. Au bout d’une couple de minutes Martinez le rejoignit avec ses hommes. Hearn se sentait un peu tendu, et quand il parla sa voix chuchotante eut une intonation rauque. « Nous allons avancer dans ce champ, et la seconde escouade nous couvrira. Je n’ai pas besoin de vous dire d’ouvrir l’œil. » Il se toucha le torse, se faisant l’impression d’avoir oublié quelque chose. « Gardez une distance d’au moins cinq mètres. » Quelques-uns secouèrent la tête pour marquer leur accord.
    Hearn se redressa, escalada le rocher en forme de rempart, et se mit en route à travers le champ découvert en direction du bouquet de verdure qui couvrait l’entrée du col. Derrière lui, sur sa gauche et sur sa droite, il entendait les pas de ses hommes. Il serrait sa carabine au côté, à deux mains, machinalement. Long d’une centaine de mètres et large de trente, le champ était bordé d’un côté par les falaises, de l’autre par la vallée couverte de hautes herbes. Le terrain, qui descendait en pente douce, était jonché d’éclats de roche. Le soleil s’y abattait de toute sa force, réverbérant avec éclat sur la pierraille et les canons des fusils. L’intensité du silence semblait faite de plusieurs couches d’épaisseur.
    Chacun de ses pas répercutait sur les écorchures de ses pieds, mais tout ce qui concernait son corps se situait très au loin de lui-même. Il savait vaguement que ses mains étaient moites, qui serraient l’arme. Tendu à l’extrême, il réagissait instantanément à tout bruit insolite, au toucher d’un pied contre la pierre, au frôlement d’un pas sur le sol. Il avala sa salive, jeta un coup d’œil en arriéré. Ses sens étaient exceptionnellement alertes et, tout au fond de lui, il frémissait de joie et d’excitation réprimées.
    Des feuilles semblèrent bouger à l’entrée du col. Hearn s’arrêta brusquement, examinant la cinquantaine de mètres qui lui restaient à parcourir. N’apercevant rien de suspect, il fit signe à ses hommes et ils reprirent leur avance.
    Bii-yoououououou !
    Le coup de feu ricocha sur les rocs et s’en fut chantant dans le lointain. Le bouquet de verdure à l’entrée du col retentit soudain d’une fusillade éclatante, et les hommes dans la prairie s’abattirent à terre comme des blés dans la rafale. Hearn se laissa tomber derrière un rocher ; jetant un regard par-dessus son épaule, il vit les autres qui rampaient pour se mettre à couvert, se tortillant et jurant et s’interpellant. Soutenue, méchante, faisant un bruit de forêt qui brûle, la fusillade augmentait d’intensité. Les balles passaient avec un bourdonnement d’insecte ou bien elles ricochaient sur la pierre et déchiraient l’air avec un hurlement de métal qui éclate. Bii-youououououou ! Bm- Yoououououououou ! Tii-ooooooooong

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