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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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 ! Affalés derrière les rochers, pris de tremblements et réduits à l’impuissance, les hommes avaient peur de lever la tête. Au bout d’un moment Croft et son escouade se mirent à tirer en direction du col. Les falaises renvoyaient le bruit dans la vallée où il tourbillonnait en désordre, une vague chevauchant l’autre comme des ondes d’inégale longueur sur une nappe d’eau. Une avalanche de sons s’abattit sur eux, presque assourdissante.
    Hearn était couché à l’abri d’un roc, ses membres pris d’un tic, ses yeux noyés de sueur. Engourdi, privé de volonté, il resta de longues secondes à suivre du regard la masse veinulée du granit qui obstruait sa vue. Tout, en lui, se défaisait. Un désir immodéré lui venait de se couvrir la tête et d’attendre passivement la fin de la bataille. Il perçut, avec une sotte surprise, une sorte de gargouillement s’échapper de ses lèvres. Un dégoût passionné l’envahit pour sa peur innommable, indigne d’un homme, un écœurement où tout son être sombrait. Il lui était presque impossible d’y croire. Il n’avait jamais participé à un combat, mais de là à se comporter de la sorte…
    Bii-yououououououou  ! Des fragments de roc pulvérisé lui chatouillèrent la nuque. La fusillade était rancunière, vindicative. Elle semblait dirigée sur lui, et toute balle qui passait le faisait sursauter inconsciemment. Toute l’humidité de son corps se précipitait à la surface de sa peau. Il dégouttait de sueur ; elle s’écoulait, sans interruption, de son menton, de la pointe de son nez, de la ligne de ses sourcils. L’escarmouche ne durait que depuis quinze ou vingt secondes, et il était trempé des pieds à la tête. Une bande d’acier s’entortillait violemment autour de ses clavicules, freinant sa respiration. Son cœur cognait comme un poing sur un mur. II y eut une dizaine de secondes où, écœuré au-delà de toute limite à la pensée de se salir, il s’employa de toutes ses forces à contracter son sphincter. «  Non ! Non  ! » Les balles passaient à toute vitesse avec un son ineffable.
    Il lui fallait sortir les hommes de ce guet-apens ! Mais ses bras protégeaient sa tête, et il tressaillait chaque fois qu’une balle ricochait sur la pierre. Il entendait les hommes qui braillaient dans son dos, qui se lançaient des mots incohérents. Pourquoi cet affolement ? Il lui fallait se secouer. Que lui arrivait-il ? C’était incroyable, pendant une seconde il se revit, honteux et effaré, ramassant le mégot de Cummings. Il se faisait l’impression de cap ter tous les bruits, la rauque respiration des hommes, les cris des Japonais qui s’interpellaient les uns les autres derrière le bouquet de verdure, même le bruissement de l’herbe et le stridulement soutenu des criquets dans la vallée. L’escouade de Croft, dans son dos, continuait de tirer. Une volée de balles ricocha sur le roc qui l’abritait, et il piqua un plongeon, s’incrustant dans la terre. De nouveau la pierraille et la poussière lui rasèrent la nuque.
    Pourquoi Croft ne faisait-il pas quelque chose ? Tout à coup il se rendit compte qu’il avait espérée que Croft assumerait le commandement, espéré la cassante voix de Croft pour le tirer d’affaire. Une rage violente s’empara de lui. Il fit glisser sa carabine sur le côté de la roche, pressa la détente.
    Mais l’arme ne partit pas ; il avait oublié d’enlever le cran de sûreté. Cette étourderie le fit fulminer. Pas tout à fait conscient de ce qu’il faisait, il se leva, repoussa le cran de sûreté, et tira une volée de balles.
    « Retournez sur vos pas, retournez sur vos pas ! hurla-t il. Allez, debout, debout !… Retournez  ! » Il s’en tendait crier comme dans le sommeil, d’une voix aiguë et furieuse. «  Allez, debout et courez  ! » Des balles cinglaient autour de lui, mais, debout ainsi de toute sa hauteur, elles lui paraissaient insignifiantes. «  Retournez a l’autre escouade ! » hurlait-il, courant de rocher en rocher, s’entendant brailler d’une voix qui ne lui appartenait pas. Il se retourna, faisant feu de nouveau, aussi rapidement que la détente répondait à la pression de son doigt, puis resta sur place sans bouger. «  Debout et feu ! Flanquez-leur uné volée ! »
    Quelques-uns se levèrent et firent feu. Frappé de terreur, le bouquet de verdure se tut pour quelques secondes. « Allez, cavalez ! »
    Les hommes

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