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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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Mais ça n’aurait pas servi à grand-chose ; il y avait certainement des Japonais en nombre à l’intérieur du col, en sorte qu’il ne  passerait jamais au travers. La seule chance d’accomplir leur mission était d’escalader la montagne. Il jeta un coup d’œil sur le mont Anaka, et une fois de plus la vue du pic l’emplit d’un frisson de convoitise.
    Il fallait s’occuper de Wilson. C’était enrageant. Et il lui fallait faire face à quelque chose d’autre encore. Au commencement de l’embuscade il s’était trouvé paralysé pendant plusieurs secondes. Il n’était pas question de peur ; simplement, il fut incapable de bouger. Il se sentait un peu contrarié à ce souvenir, presque tourmenté, comme s’il avait manqué une occasion unique. Pour faire quoi ?… Il était perplexe, mais il s’agissait d’une contrariété identique a celle qui lui venait de son impuissance à reconnaître le col. Il y eut un vide avant qu’il eût tiré, et… Il avait voulu quelque chose, pourtant. « J’ai cochonné l’affaire », se dit-il avec amertume, pas tout à fait certain de ce qu’il entendait par là.
    Et Wilson. « Pour bien faire, il faudrait six hommes pour le ramener sur la côte. » Il avait envie de jurer.
    « Bon, tirons-le à travers l’herbe jusqu’au rempart, puis après on le portera. » Il empoigna Wilson par la chemise et se mit à le tirer, aidé par Red et par Gallagher. Une minute plus tard ils atteignirent le rocher, hissèrent Wilson par-dessus le rebord, et Croft se mit à confectionner un brancard. Il ôta sa chemise, la boutonna, glissa son fusil dans une manche, celui de Wilson dans l’autre. Les canons faisaient saillie à l’endroit de la taille, et les crosses sortaient par les manchettes. Il attacha les poignets de Wilson avec son ceinturon et l’enveloppa dans la couverture qu’il prit dans le sac de celui-ci.
    Une fois terminé, le brancard eut environ trois pieds de longueur – la longueur de la chemise. Ils y placèrent le blessé, glissèrent ses poignets attachés autour du cou de Ridges qui, faisant le brancardier arrière, s’empara des deux crosses. Red et Goldstein prirent chacun un canon sous les cuisses de Wilson, et Gallagher, sur le devant, se saisit de ses chevilles. Croft fermait la marche en guise de garde.
    « Allons-nous-en d’ici, grommela Gallagher. Cette foutue place sent la mort.
    Ils prêtaient l’oreille au silence, mal à leur aise, regardant les falaises qui tombaient à pic.
    Wilson saignait. Sa face avait blêmi, elle était presque blanche. Ils ne pouvaient pas croire que c’était Wilson. Il aurait pu aussi bien agir de n’importe quel blessé ayant perdu connaissance.
    Red était en proie à une vague tristesse. Il aimait bien Wilson et Wilson venait d’être salement amoché, mais il se sentait incapable de grandes émotions. Il était trop fatigué, et il voulait s’en aller d’ici. « On devrait lui mettre une de ces sacrées compresses, dit-il.
    – Oui. »
    Ils reposèrent le blessé par terré. Red ouvrit son paquet de pansements, y prit une boîte qui contenait la compresse, déchira le carton avec ses doigts engourdis, appliqua le côté aseptique du bandage sur la blessure et l’y affermit. « Est-ce que je lui donne des tablettes ?
    – Pas avec une blessure au ventre, dit Croft.
    –  Te crois qu’il va tenir ? » demanda Ridges d’une voix éteinte.
    Croft haussa les épaules. « C’est un grand bœuf.
    – Tu peux pas tuer vieux Wilson », chuchota Red. Gallagher regardait de côté. « Allez qu’on s’en va. »
    Ils se mirent en route, progressant avec lenteur et précaution à travers tertres et collines. Ce fut un labeur exténuant. Ils faisaient halte fréquemment, chaque brancardier prenant la garde à tour de rôle.
    Wilson revenait à lui peu à peu, grommelant avec incohérence. Il y eut une bonne minute pendant laquelle il parut tout à fait conscient, mais il ne reconnut personne.
    « Doko koko cola », grommelait-il, pouffant faiblement.
    Ils firent halte, essuyèrent le sang sur sa bouche, puis se remirent en marche. II leur fallut plus d’une heure pour revenir vers la section, et ils y arrivèrent à bout de souffle. Ils le couchèrent, défirent le brancard, et se laissèrent aller à terre. Les autres les entouraient nerveusement, posaient des questions, réjouis que Wilson ait été retrouvé ; mais ils étaient trop las pour parler beaucoup. Croft se mit à

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