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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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fondamentalement, et il en éprouva une sensation de mystère et de découverte, comme s’il eût trouvé des ponts et des abîmes invisibles dans la grise et familière étendue de son existence. « Tu sais, dit-il, la vie est drôle. »
    Goldstein soupira. « Oui », répondit-il paisiblement.
    Une vague de sympathie porta Roth vers Goldstein. Il y a quelque chose de bien attachant en lui, décida-t-il. Toutes ces pensées qui vous traversent l’esprit, il n’y a qu’un homme à qui on puisse les dire. Une femme doit s’occuper de ses enfants et de toutes les petites choses quotidiennes. « Il y a un tas de choses qu’on ne peut pas dire à une femme, fit-il.
    – Je ne le pense pas, dit Goldstein avec chaleur. J’aime discuter avec ma femme. Il y a une merveilleuse camaraderie entre nous. Elle comprend si bien les choses. » Il se tut, comme pour trouver le mot juste qui exprimât sa pensée. « Je ne sais pas, mais quand j’avais dix-huit ou dix-neuf ans, j’avais une idée différente des femmes. Je les désirais, oui, c’est tout. J’avais l’habitude d’aller chez les filles ; je me souviens comme cela me dégoûtait, mais j’y retournais la semaine d’après. » Il regarda l’eau pendant un moment, puis sourit avec sagacité. « Etre marié m’a fait comprendre bien des choses quant aux femmes. Tout cela est si différent de ce qu’on pense quand on est gosse. C’est… peu importe, je ne sais pas ce que c’est. Les femmes, ajouta-t-il solennellement, les femmes n’aiment pas ça de la même façon que nous. Elles n’y attachent pas un si grand prix. »
    Roth eut la tentation de lui poser des questions au sujet de sa femme, mais il hésita. Ce que Goldstein venait de dire lui fît du bien. Les doutes, les souffrances qu’il ressentait en écoutant les soldats parler de leurs affaires d’amour, s’apaisaient. « C’est vrai, admit-il avec plaisir. Les femmes, simplement, ne s’y intéressent pas. » Il se voyait très proche de Goldstein, comme s’ils partageaient en commun un grand savoir. Il y avait quelque chose de très fin, de très bienveillant en" lui. Il ne serait jamais cruel avec personne, pensa-t-il. Et, de plus, il avait la certitude que Goldstein l’aimait bien.
    « Il fait très bon d’être assis ici », dit-il de sa voix profonde. Sous la lune les tentes se paraient d’un éclat d’argent, et la plage scintillait en bordure de l’eau. Il se sentait plein de choses difficiles à exprimer. Goldstein était une âme sœur, un ami. Il soupira. Pour être compris, sans doute fallait-il toujours qu’un juif en allât trouver un autre.
    Cette idée le démoralisa. Pourquoi devait-il en être ainsi ? Il avait son bachot, il avait de l’éducation, il était bien au-dessus à peu près de tout le monde ici, et à quoi cela lui servait-il ? Le seul homme qu’il ait pu trouver à qui il valût la peine de parler, s’exprimait un peu comme un vieux juif à barbe.
    Ils restèrent assis, gardant le silence. La lune disparut derrière un nuage, et la plage devint calme et très sombre. Des bruits assourdis de conversation et de rire s’échappaient parfois des tentes et filtraient à travers la nuit. Roth pensait qu’il lui faudrait bientôt retourner à sa tente, et il appréhendait la perspective d’être réveillé pour la garde. Il aperçut un soldat qui s’en venait dans leur direction.
    « Je crois que c’est Buddy Wyman, dit Goldstein. C’est un brave gars.
    – Est-ce qu’il vient avec nous dans cette section de reconnaissance ? » demanda Roth.
    Goldstein fit un signe de tête affirmatif. « Oui. Quand nous l’avons appris, nous avons décidé de camper ensemble – s’ils nous laissent faire. »
    Roth sourit aigrement. Il aurait dû s’en douter. Comme Wyman s’accroupissait pour pénétrer sous la tente, il se poussa de côté et attendit que Goldstein les présentât l’un à l’autre. « Je crois que je t’ai vu quand ils nous ont désignés, dit-il.
    – Oui, bien sûr, je me souviens de toi », dit Wyman affablement. C’était un jeune homme élancé, aux cheveux clairs et à la figure osseuse. Il se laissa tomber en bâillant sur une couverture. « Je ne pensais pas que je resterais si longtemps à bavarder, dit-il à Goldstein en manière d’excuse.
    – Ne t’en fais pas, dit Goldstein. J’ai eu une idée pour fixer la tente, et je crois que cette nuit ça tiendra debout, Wyman examina la tente, nota les

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