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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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piquets. « Dis, c’est épatant, fit-il. Je regrette de ne pas avoir été là pour te donner un coup de main, Joe.
    – Ça ne fait rien », dit Goldstein.
    Roth eut le sentiment qu’il était de trop. Il se leva, en s’étirant. « Je pense que je vais filer, dit-il, frictionnant de la main son maigre avant-bras.
    – Reste encore un moment, dit Goldstein.
    – Non, je veux piquer un somme avant de monter la garde. » Il s’en fut. traînant les jambes dans le noir. « La bienveillance de Goldstein ne signifie pas grand-chose, pensa-t- il. Tout juste un aspect artificiel de son caractère. Ça ne va pas bien loin. »
    Il soupira. Ses pieds faisaient un bruit de succion sur le sable, comme s’il pataugeait dans la boue.
    « Bien sûr, disait Polack, qu’y a toutes sortes de moyens pour se tirer d’affaire. » Il avança en souriant sa longue mâchoire vers Steve Minetta. « Ça n’existe pas, qu’on peut pas se débrouiller. »
    Minetta n’avait que vingt ans, mais ses cheveux étaient suffisamment dégarnis pour lui prêter un front dégagé. II portait une mince moustache qu’il cultivait avec soin. Une fois on lui avait dit qu’il ressemblait à William Powel, et il se peignait de façon à rendre la ressemblance plus réelle. « Nix, je suis d’accord, dit-il. Y a des cas qu’on peut pas se débrouiller.
    – Qu’est-ce que tu racontes là ? » voulut savoir Polack. Il se retourna sur sa couverture pour faire face à Minetta. « Une fois, chez la marchande de volailles, j’achète une poule. Y avait un morceau de gras qui venait avec, mais au lieu d’un j’en embarque deux, en douce. » Il se tut, pour plus d’effet, et Minetta rit de voir la grimace sur la bouche impudique de Polack.
    « Oui ? Et puis alors ? demanda-t-il.
    – Eh bien, la marchande, elle me quitte pas de l’œil, et quand je commence d’emballer l’oiseau, elle dit : « Où « qu’il est, l’autre morceau de gras ? » Je la regarde et je dis : « Vous en voulez pas, m’ame, il est tout pourri, ça « va vous gâter la marchandise. » Elle secoue la tête et dit : « Vous occupez pas, jeune homme. Remettez-moi ça « en place. » Qu’est-ce que je pouvais faire ? J’ai remis tout en place.
    – Comment que t’a gagné la partie, alors ?
    – Hé, avant de tout remettre, j’y ai crevé la bile, à l’oiseau. Cette poule, elle devait avoir le goût de la merde. »
    Minetta haussa les épaules. La lune éclairait suffisamment la tente pour qu’il pût distinguer le visage de Polack. Il souriait largement, et Minetta trouvait. que son voisin était bien comique avec les trois dents qui lui manquaient au coin gauche de la bouche.
    Polack devait avoir vingt-sept ans, mais il avait des yeux malins et obscènes, et quand il riait sa peau se ratatinait comme celle d’un quinquagénaire. Minetta se sentait un peu mal à l’aise en sa compagnie. Il avait la crainte secrète de n’être pas de force.
    « Arrête de crâner, dit-il. Ce Polack, à qui donc croyait-il raconter des histoires ?
    – C’est la vérité vraie », dit Polack d’une voix cassée. Il avait une façon particulière d’estropier les mots.
    « C’est la vérité vraie, fit Minetta en le singeant.
    – Tu t’amuses, hein ? demanda Polack.
    – Je peux pas me plaindre, dit Minetta. Tu parles comme un livre d’histoires comiques. » Il bâilla. « En tout cas, quelqu’un que personne a jamais possédé, c’est l’armée.
    – Je me suis pas si mal débrouillé, dit Polack.
    – Tant que t’es dans l’armée, t’es pas débrouillé du tout », dit Minetta. Il se frappa le front et s’assit. « Ces nom de Dieu de moustiques », dit-il. Il fourragea sous son oreiller fait d’une serviette enroulée autour d’une chemise sale, ramena une lotion contre la morsure des moustiques. « Tu parles d’une vie », ronchonna-t-il, tout en s’enduisant le visage et les mains. Il se souleva sur son coude, alluma une cigarette, se souvint qu’il était défendu de fumer. « Eh, et puis merde alors », dit-il à haute voix après une seconde d’hésitation. Mais, inconsciemment, il dissimula la cigarette dans le creux de sa main. « Nom de Dieu, j’aime pas vivre comme un porc », dit-il, se tournant vers Polack. Il tapota son oreiller. « Dormir sur son linge sale, dans ses vêtements sales. Personne vit comme ça. »
    Polack haussa les épaules. Il était second dans une famille de sept

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