Les Nus et les Morts
je serai retapé. J’ai toujours su que t’étais un vrai pote.
– Eh, merde.
– Non, un gars il veut, il veut… » Il se mit à bégayer d’excitation. « J’apprécie ça, je veux que vous savez que je serai toujours votre pote. Vous saurez qu’y a un homme qui s’appelle Wilson qui dira jamais rien de mal de vous autres.
– Te feras mieux de te reposer, vieux », dit Brown. La voix de Wilson se faisait plus forte.
« Je m’en vas dormir, mais crois pas que j’y pense point. » Il se remettait à parler sans suite.
Au bout de quelques minutes il se tut. Brown regarda dans le noir et, une fois de plus, il se fit une promesse. « Faut que je le ramène. » C’était, avant toute chose, une exhortation à l’adresse de ce qu’il y avait de meilleur et de plus fort en lui-même.
LA MACHINE A FAIRE LE TEMPS
WILLIAM BROWN, PAS DE TARTE AUX POMMES AUJOURD’HUI
De taille moyenne, un rien grassouillet, avec une. face d’adolescent, un nez camus, des taches de rousseur, des cheveux brun roux. Mais des rides s’étaient formées autour de ses yeux, et des abcès des tropiques couvraient son menton. Vu plus attentivement, il accusait bien ses vingt huit ans.
Les voisins aiment bien Willie Brown, c’est un garçon si honnête, il a ce visage moyen si plaisant qu’on peut voir dans les boutiques, les banques, les bureaux, d’un bout à l’autre du pays.
Un bien joli garçon que vous avez là, disent-ils à son père, James Brown.
Bon garçon, mais vous devriez voir ma fille, c’est elle la bôôôtée.
Willie Brown est très populaire. Les mamans de ses amis le cajolent, ses maîtres d’école en font leur favori.
Mais il a le chic de les mettre en boîte. Aou, ce vieux corbeau, dit-il de sa maîtresse d’école, j’y donnerai pas un crachat. (Crachant sur le gazon poussiéreux du préau.) Je sais pas pourquoi diable elle me laisse pas tranquille
Et il est d’une bonne famille. Bonne souche. Le père, est employé aux chemins de fer de Tulsa, et s’il a commencé dans les ateliers il travaille maintenant dans les bureau et ils ont leur propre maison dans la banlieue, avec un décent bout de terrain pour l’étoffer. Jim Brown est un homme sur qui l’on peut compter, toujours en train d’améliorer sa maison, fixant la canalisation ou mettant d’aplomb le seuil d’une porte qui se coince.
Pas le genre d’homme qui fait des dettes.
Ella et moi nous tâchons de pas dépasser notre budget, dit-il d’un ton moqueur. Si on voit qu’on est allé un peu fort, on coupe simplement sur le whisky de la semaine. (A demi apologétiquement.) Je regarde le whisky comme un article de luxe pour ainsi dire, surtout maintenant qu’il faut contrevenir à la loi pour en acheter, et qu’on est jamais sûr si ça va pas vous laisser aveugle.
Se tient au courant, aussi. Le Saturday Evening Post et Collier’s et abonné au Reader’s Digest depuis les années vingt. Cela fait bien votre affaire dans les petites conversations quand on va en visite, et la seule malhonnêteté que les gens lui aient jamais vu commettre c’est que tout en puisant dans ses lectures il oublie de citer ses sources.
Savez-vous que trente millions de personnes fumaient des cigarettes en 1928 ? disait-il.
The Literary Digest le tient au courant de la politique. J’ai voté pour Herbert Hoover aux dernières élections, admet-il plaisamment, bien que je sois depuis toujours du parti démocratique. Comme je vois les choses, un parti est au pouvoir pour un moment, puis au tour suivant vous y envoyez l’autre parti.
Et M me Brown approuve de la tête. Je permets à Jim de me montrer le chemin dans ces choses de la politique. Elle n’ajoute pas ce qu’elle lui permet quant au reste, mais cela se laisse deviner. Braves gens, bonne famille, église le dimanche bien entendu. La seule opinion un peu violente que professe M me Brown regarde la Nouvelle Moralité. Je ne sais pas, les gens ne craignent plus le Seigneur. Les femmes boivent dans les bars, faisant Dieu sait quoi encore, ça n’est pas juste, pas du tout chrétien.
M. Brown approuve avec indulgence. Il a quelques réserves, mais après tout les femmes sont pour ainsi dire plus religieuses, vraiment plus religieuses que les hommes, dira-t-il dans une conversation confidentielle.
Naturellement, ils sont très fiers de leurs enfants, et ils vous racontent avec amusement comment Patty apprend la danse à William, maintenant qu’il va à
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