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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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« Apres la campagne de Motome j’ai été bougrement mieux que Martinez dans l’entraînement et les exercices », pensa-t-il.
    Ce dont il se rendait partiellement compte c’est qu’il craignait de se liquéfier tout à fait, de n’être bon à rien même en garnison. « Faut que je me tiens raide ou je perds mes ficelles. » Il lui arrivait parfois de le désirer ; il lui semblait que la vie deviendrait tellement moins compliquée s’il n’avait ni soucis, ni responsabilités. Il s’insurgeait contre une tâche qui consistait à surveiller des corvées et à pousser les gens au travail. Toutes les fois qu’un officier ou Croft passaient au crible le rende ment de son escouade, il se sentait sur le gril.
    Mais il se savait incapable de renoncer à son grade.
    « Ils m’ont choisi, se disait-il, moi entre cent autres, parce que je le mérite. » C’était son rempart contre toute chose, contre ses doutes quant à lui-même, contre les infidélités de sa femme. Cela, ce bouclier, il ne lui était pas possible de s’en défaire. Et cependant il ne cessait pas de se tourmenter. Un sentiment inavoué de culpabilité l’obsédait souvent. Il méritait d’être cassé s’il n’était pas à la hauteur. « Faut que je ramène Wilson », se promettait-il. Un peu de sa compassion lui revint. « Le voilà qui peut foutre rien, il dépend de moi, et on me croit capable de mener à bien mon boulot. » La chose était si claire que c’en devenait effrayant. Il massait avec douceur le front de Wilson, son regard perdu dans le noir.
    Il se tourna vers Goldstein et Stanley, qui continuaient leur conversation. « Pas si fort, vous allez l’exciter de nouveau.
    – Oui », consentit Stanley doucement, sans manifester de rancune pour la réprimande. Lui et Goldstein parlaient de leurs enfants, chaleureusement, amicalement, rapprochés l’un de l’autre sous le couvert de la nuit.
    « Tu sais, disait Stanley, on est vraiment privés de la meilleure part de leur enfance. Ils poussent là-bas, ils commencent de comprendre les choses, et nous sommes ici.
    – C’est dur, acquiesçait Goldstein. Quand je suis parti Davy savait à peine parler, et maintenant ma femme me dit qu’il mène une conversation au téléphone tout comme un adulte. C’est un peu difficile à croire. »
    Stanley fit entendre un claquement de langue. « Sûr. Je te le répète, on est privés de la meilleure part. Ce n’est jamais la même chose, une fois qu’ils ont grandi. Je me souviens que quand moi j’ai commencé de pousser, je prétendais en savoir plus que mon père. Quel sacré imbécile j’étais. » Il le disait modestement, sincèrement presque. Il avait découvert que les gens l’aimaient quand il leur faisait des confessions de cet ordre.
    « Nous sommes tous comme ça, reconnut Goldstein. Je pense que c’est le propre de la jeunesse. Mais avec l’âge on voit les choses bien plus clairement. »
    Stanley demeura silencieux pendant un moment. « Tu sais, ça m’est égal ce qu’on dit, mais il n’y a rien de mieux que la vie de famille. » Son corps était raide, et il se retourna avec précaution sous sa couverture. « Rien ne vaut le mariage. »
    Goldstein approuva dans le noir. « C’est très différent de l’idée qu’on s’en fait d’abord, mais sans Natalie j’aurais été une âme perdue. Ça vous affermit, ça vous fait prendre conscience de vos responsabilités.
    – Oui », dit Stanley. Il tapota le sol avec le plat de sa main. « Mais on ne peut pas appeler ça être marié, quand on est de ce côté-ci de l’eau.
    – Oh ! non, bien sûr que non. »
    Cette réponse ne fut pas tout à fait au goût de Stanley. Il réfléchit un moment, cherchant à former sa phrase. « Est-ce que tu… eh bien, tu sais, est-ce que tu es jamais jaloux ? » Il avait parlé très bas, pour que Brown ne l’entendit pas.
    « Jaloux ? Non, je ne peux pas dire que je le sois jamais », dit Goldstein d’un ton péremptoire. Il eut le pressentiment de ce qui troublait Stanley et, automatiquement, il s’efforça de l’apaiser. « Ecoute, dit-il, je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer ta femme, mais tu as tort de te tourmenter à son sujet. Ces gars qui ne font que médire des femmes, ils ne les connaissent guère. Ils ont tellement couru de gauche et de droite… » Une idée le frappa. « Ecoute, si tu fais attention tu verras que les jaloux sont toujours ceux qui cavalent avec

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