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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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l’avant-bras, revint à sa couverture et se coucha, sachant qu’il ne dormirait pas jusqu’au retour de Martinez.
    Tout, de nouveau, était devant lui. On prenait une décision puis 011 se rétractait, et aucun des problèmes n’était changé. Si Martinez revenait avec la nouvelle que les Japonais n’occupaient plus le col, ils pousseraient de l’avant au petit matin. Il se gratta l’aisselle, avec douceur, regardant la vallée et les collines – nues et lugubres. Le vent soupirait dans les combes, glissait sur l’herbe kunaï, sifflait sur la crête des tertres, levant un petit murmure sur son passage comme celui d’un ressac dans le lointain.
    Ce fut une erreur, et il s’était livré à une curieuse supercherie vis-à-vis de lui-même. Plus encore que d’avoir cédé à Croft il s’était de nouveau soumis à ses propres tendances, rendant la chose si compliquée que jamais il n’allait pouvoir démêler le réel de ce qui n’était que pure rationalisation. Trucs et trucs et tours de passe passe, et il l’avait permis, il avait su qu’il irait de l’avant si Martinez revenait avec un rapport concluant à l’absence des Japonais.
    Quand ils retourneraient à leur bivouac, si jamais ils y retournaient, il pourrait rendre ses galons d’officier. C’était la chose à faire. C’eût été honnête, et propre vis-à-S vis de lui-même. Il se frotta de nouveau l’aisselle. Au fond,
    Il n’avait pas envie de rendre ses galons et, naturellement, cette répugnance faisait partie de tout un ensemble de facteurs. On suait dans les écoles préparatoires pour officiers, on en plaisantait dans les bars, on s’en moquait, et avec le temps les choses acquéraient leur existence propre et déteignaient sur la plupart de vos attitudes. Par la suite, essayer de s’en défaire était comme s’amputer un bras.
    Il savait quelles en seraient les conséquences. Il serait un poilu de deuxième classe, et quelle que fût son unité" les autres poilus découvriraient tôt ou tard qu’il avait été officier et ils le haïraient, ils lui en voudraient même d’avoir démissionné parce qu’ils y verraient un persiflage de leurs propres ambitions, conscientes ou non. Aussi, s’il s’y décidait, cela serait en toute connaissance de cause ; les choses, en fin de compte, ne seraient ni plus propres, ni certainement plus plaisantes. Elles seraient pouilleuses et pénibles, et la seule découverte qu’il ferait éventuellement c’est qu’à l’exemple de tout le monde lui aussi était susceptible d’être dressé à avoir peur.
    Mais voilà. Il avait fui la peur, la vulnérabilité, l’aveu qu’étant homme il n’était pas à l’abri de l’humiliation. « Plutôt être traqué que traqueur », – ces paroles prenaient une signification à ses yeux, une valeur.
    Narquoisement, il songea au commentaire probable de Cummings : « Un joli sentiment, Robert, un des plus jolis mensonges qui soit, tout comme celui au sujet du riche qui n’ira pas au ciel. » Et, tout en riant, il ajouterait : « Vous savez, Robert, il. n’y a que les riches qui I vont au ciel. »
    Eh bien, au diable avec Cummings. Il l’y avait envoyé bien des fois, par ressentiment, à contrecœur, désespérément peut-être, mais enfin Cummings n’avait pas réponse à tout. Si on lui accordait que l’homme n’est qu’un sale bâtard, alors oui, tout ce qu’il disait collait à la perfection. Sa logique, du coup, deviendrait inexorable.
    Mais l’histoire lui infligeait un démenti. Soit, tous les grands rêves se sont avilis et corrompus à l’usage et les bonnes choses se sont souvent réalisées pour le mauvais motif, mais encore il n’y eut pas que des méfaits, il y eut l’aussi des victoires là où il aurait fallu s’attendre à des défaites. Le monde, en toute logique, aurait dû succomber au fascisme – et pourtant.
    De vagues bruits s’élevèrent dans la vallée en bas, et Hearn s’empara de son fusil. Au bout d’un moment tout redevint calme dans l’herbe noyée d’ombre et, sans raison apparente, Hearn se sentit déprimé.
    C’était un bien maigre espoir, et toutes les contraintes, toutes les machines, pressuraient l’homme toujours davantage ; avec chaque nouvelle arme les chances de l’homme s’amoindrissaient. Principes moraux contre bombes. Même la technique des révolutions a changé – armée contre armée.
    Si le monde se donnait au fascisme, si Cummings avait son siècle, une

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