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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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froide sur sa peau. Sa tension se résorba pour un moment et il se rendit compte de sa fatigue et de son manque de sommeil. Les tendons de ses jarrets frémissaient et se contractaient. Il soupira. Pas un instant il ne songea à rebrousser chemin.
    Il s’engagea avec précaution sur la piste qui menait vers le col. Elle s’étendait sur plusieurs centaines de mètres à travers une forêt de broussailles insuffisamment denses pour faire jungle. A un moment il frôla du visage une feuille, longue et plate, et des insectes en panique se prirent à courir sur sa joue. Il les chassa d’une chiquenaude, les doigts moites d’angoisse. Un des insectes s’y agrippa, puis se mit à remonter le long de son bras. Il le secoua, se tenant immobile et tremblant dans le noir. Le temps de quelques secondes tout fut mis en balance ; su volonté de pousser de l’avant s’effrita Sous la terreur irrationnelle que lui causèrent les insectes, sous la certitude presque concrète de la présence des Japonais dans le col, et en premier lieu sous le poids sans cesse grandissant de tout ce terrain étrange qu’il devait explorer dans la nuit. Il aspira profondément à plusieurs reprises, se haussant sur ses orteils puis revenant sur ses talons. Un soupçon de brise remua mollement les feuilles, mettant sur son visage un soufflé de fraîcheur. La sueur coulait sur sa figure en longs filets, comme un ruissellement de larmes.
    « Faut aller. » Il se le dit machinalement, libérant en lui de nouvelles sources de volonté qui vinrent à bout de sa résistance. Il fit un pas, puis un autre, et son hésitation s’évanouit. Il suivit l’informe sentier que les Japonais avaient taillé à travers l’îlot de verdure, et peu de minutes après il déboucha hors du bocage. Il était dans le col.
    Faisant un tour sur la droite, les falaises du mont Anaka étaient de nouveau parallèles à son chemin. De l’autre côté, sur sa gauche, des collines à pente raide, presque escarpée, s’intégraient brusquement dans la chaîne de Watamaï. Le col avait environ deux cents mètres de largeur – une avenue inclinée flanquée de gratte ciel. Des accidents de terrain dénivelaient le passage ; de gros blocs erratiques et des éboulis de terre saillaient de toutes parts, et çà et là des plaques de verdure giclaient des crevasses de la roche comme la mauvaise herbe jaillit des craquelures dans le ciment. La lune dégageait la cime invisible du mont Anaka et dégringolait tout au fond du col qu’elle tachetait d’ombre. Tout y était très dépouillé, très froid ; Martinez se sentait à mille milles de l’étouffante et veloutée nuit de la jungle. Il quitta l’abri que lui offrait le bocage, s’avança de plusieurs centaines de pieds, puis s’agenouilla à l’ombre d’un bloc de pierre. Derrière lui, presque sur la ligne de. l’horizon, il vit la Croix du Sud et, instinctivement, il en nota la direction. Le col s’en allait droit vers le nord.
    Lentement, à contrecœur, il reprit sa marche à travers le défilé, procédant avec précaution parmi la pierraille qui jonchait le col. Au bout de plusieurs centaines de mètres le défilé prit à gauche puis de nouveau à droite, tout en se rétrécissant considérablement. Par endroits l’ombre de la montagne noyait presque entièrement le col. Il progressait d’une allure inégale, faisait des bonds presque téméraires sur de longs parcours, s’immobilisait craintivement, passait des minutes à s’exhorter à reprendre sa course. Tout insecte, toute bestiole qu’il dérangeait, le faisaient sursauter de frayeur. Il ne cessait pas de se décevoir soi-même, décidant de ne pas dépasser le prochain tournant du col, puis, y étant arrivé sans encombre, il se proposait un autre objectif et repartait de plus belle. Il couvrit de la sorte un peu plus d’un mille en moins d’une heure. Le chemin montait presque tout le temps et il commençait de se demander de quelle longueur était ce col. Malgré son expérience il se laissait prendre à l’illusion que toute crête devant lui était la dernière, et qu’à l’autre versant il trouverait la jungle, les arrières des Japonais, et la mer.
    A mesure que le temps passait sans incidents, à mesure qu’il couvrait plus de terrain, il devenait plus confiant, plus impatient. Ses arrêts se faisaient moins fréquents, les distances qu’il parcourait d’un seul élan se faisaient plus grandes. A un moment donné le col se

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