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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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petite chose lui resterait toujours possible. Il y avait toujours le terrorisme. Un terrorisme net, sans sentimentalité larmoyante, sans mitraille ni grenades ni bombes, rien du gâchis habituel, pas de tueries à l’aveuglette. Plutôt le coutelas et le garrot, peu d’hommes bien entraînés, et une liste de cinquante salauds à supprimer, puis une autre cinquantaine après ceux-là.
    Un plan d’action concertée, camarades. Il grimaça aigrement. Il y aura toujours cinquante autres après les cinquante derniers, voilà le hic. Ça ne marchera pas. C’était tout juste bon à vous occuper un peu, à vous rendre content. Ce soir nous frappons le généralissime Cummings.
    Aah, crotte de bique.
    Point de réponse toute faite, mais aussi certaines époques de l’histoire étaient peut-être réfractaires à toute réponse. Fie-toi à la gaffe, au gâchis. Croise-toi les bras et attends que le fascisme bousille tout.
    Seulement, ça ne suffisait pas. Il fallait autre chose. Quelles qu’en fussent les raisons, il fallait continuer à résister. Il fallait faire des choses – comme par exemple rendre ses galons.
    Hearn et Quichotte. Libéraux bourgeois.
    Cependant, quand il rentrerait, il ferait cette petite chose. A l’examen, ses raisons étaient peut-être malpropres, mais il était encore plus malpropre de mener les hommes pour des raisons évidemment infâmes. Démissionner signifiait laisser la section à Croft, mais persévérer signifiait devenir un Croft soi-même.
    Quand les choses commenceront d’aller réellement mal, les Gauches mettront peut-être leurs différends politiques au rancart.
    Saison sèche pour les anarchistes.
    Martinez fit plusieurs centaines de mètres à travers l’herbe kunaï, se tenant au plus près sous l’ombre des falaises. Tout en avançant il fléchissait ses bras et se pinçait la nuque pour chasser les dernières traces de son sommeil. Il était à moitié endormi en répondant à Croft, et rien de ce qui fut dit n’avait aucune signification pour lui. Il avait compris les instructions concernant sa mission, saisi que Croft lui avait recommandé de faire quelque chose, et, prompt à obéir instinctivement, il ne songea pas à s’appesantir sur le sens des mots. Il ne lui sembla pas particulièrement dangereux ou bizarre d’explorer, de nuit, un terrain qu’il n’avait jamais vu.
    Présentement, comme son esprit s’éveillait, la chose lui apparaissait plus clairement. « Sacrée folie », se dit-il, chassant tout aussitôt sa pensée. Puisque Croft lui avait dit d’aller, alors bien sûr c’était nécessaire. Les nerfs calmes, les sens aux aguets, il s’avançait d’un pas silencieux, sans effort, le talon le premier, la pointe du pied ensuite, avec douceur, tout son corps oscillant selon le mouvement même de l’herbe. Personne, placé dans un rayon de vingt mètres, n’eût deviné son approche. Et, cependant, sa démarche n’était pas lente ; son pied paraissait connaître le terrain d’expérience, qui évitait pierres et branches, qui se posait avec assurance et sans bruit. Il fonctionnait davantage comme un animal que comme un homme.
    Il avait peur, effectivement peur, mais sans panique, et cela le rendait intensément conscient de tout ce qu’il pouvait voir ou sentir. Sur le transport de troupes, dans l’embarcation qui aborda Anopopéi, douze fois depuis, il avait frisé l’hystérie et s’était transformé en chiffe ; cependant, sa peur actuelle n’avait rien de commun avec ces états. Il se serait peut-être décomposé sous un bombardement, ses terreurs n’étaient jamais si vives que lorsqu’il n’y pouvait rien, mais dans cet instant il se trouvait livré à lui-même, en train d’accomplir une tâche pour laquelle il se savait mieux fait que personne qu’il connût – et cela le supportait. Le souvenir rassurant de toutes les autres missions de reconnaissance qu’il mena à bien depuis une année étoffait son courage.
    « Martinez meilleur homme dans la section », se dit-il avec orgueil. Croft le lui avait dit une fois, et il ne devait jamais l’oublier.
    En vingt minutes il atteignit les abords du roc où ils furent embusqués. Il s’accroupit entre lés arbres et examina le rempart pendant plusieurs minutes avant de reprendre son avance. Arrive au rempart lui-même, il s’arrêta pour surveiller le champ et l’îlot de verdure d’où les Japonais avaient tiré, Le champ était d’un argent blême sous la lune,

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