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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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couvrit d’herbe kunaï sur un quart de mille et il pataugea là-dedans en toute confiance, sachant que l’on ne saurait l’y repérer.
    Jusqu’ici le terrain n’aurait pas permis aux Japonais d’établir un avant-poste, et les précautions de Martinez, son attention soutenue, étaient dues davantage à sa frayeur, au silence irréductible qui planait sur la montagne, qu’à la présence même théorique de l’ennemi. Mais la configuration du col se modifiait. La verdure s’épaississait, elle couvrait de plus grandes pièces de terrain ; çà et là elle s’étendait assez pour camoufler un petit bivouac. Il les examinait à la hâte, abordant les bocages du côté ombre, s’avançant de quelques pas puis attendant de longues minutes pour s’assurer qu’aucun des bruits ne s’en échappait qui révèlent des hommes dans leur sommeil. Quand rien ne bougeait hormis les feuilles et les oiseaux et les bêtes, il quittait son abri et reprenait sa marche à grands pas.
    Après un autre tournant le défilé se rétrécit davantage, une cinquantaine de mètres seulement séparait les falaises du col, et en plusieurs endroits des îlots de jungle bloquaient le passage. Il lui fallait du temps pour traverser chacun de ces îlots, et l’effort de se frayer un chemin dans la broussaille sans faire de bruit était exténuant. Il éprouva une sensation de délivrance en atteignant une percée relativement dégagée.
    Mais un autre tournant lui découvrit une minuscule dépression limitée par les falaises et recouverte d’une petite forêt qui envahissait le col de part en part. La vue qui s’offrait de là à la lumière du jour devait être parfaite. C’était le meilleur emplacement pour un avant poste qu’il eût rencontré sur son chemin, et il eut la certitude – immédiate et instinctive – que les Japonais s’y étaient retirés. Il le sut au raidissement de ses membres, au battement accéléré de son cœur. Se tapissant derrière un ro cher, le visage pincé et tendu, il examina la place éclairée par la lune. Doucement, sans se donner le temps de réfléchir, il se glissa autour de son rocher et, le visage bas, il se mit à ramper à quatre pattes vers une bande d’ombre profonde qui coulait à l’endroit où la falaise de droite rejoignait la base du défilé. Il observait avec fascination la ligne déchiquetée qui délimitait l’ombre-de la clarté, se sentant irrésistiblement attiré du côté de la lumière. Elle semblait vivre, elle semblait douée d’une existence aussi intense que la sienne propre ; il ne quittait pas des yeux le miroitement hypnotique de la lune, et sa gorge se serrait, s’enflait presque. Le bois se rapprochait, distant de vingt mètres, puis de dix. Il s’immobilisa en bordure de la forêt, chercha à repérer l’emplacement d’une mitrailleuse ou d’une tranchée. L’obscurité ne lui révéla rien hormis la masse noire des arbres.
    Une fois de plus il pénétra dans un bocage et se tint à l’arrêt, dans l’attente d’un son. N’entendant rien, il s’avança d’un pas précautionneux, séparant les broussailles avec ses mains, puis il fit un autre pas, puis un autre. Son pied se posa sur un morceau de terre meuble, qu’il explora avec frayeur. Il s’agenouilla, tâtonna le sol, reconnut de petites feuilles d’arbuste sur son flanc. Le sol était piétiné, et les broussailles étaient saquées d’un côté.
    Il se trouvait sur une piste fraîchement taillée.
    Pour corroborer sa déduction un homme toussa dans son sommeil – pas même à cinq mètres de là. Martinez se raidit, sautant presque en l’air comme s’il avait touché quelque chose de brûlant. Les muscles de son visage se contractèrent. Il eût été incapable d’émettre un son dans ce moment.
    Il fit machinalement un pas en arrière, et entendit quelqu’un se retourner sous sa couverture. Il n’osait pas bouger, de peur de frôler une branche et de les réveiller. Pendant une bonne minute il demeura complètement paralysé. Il lui était impossible de battre en retraite. Il n’aurait pas su en donner la raison ; il avait certes peur de faire demi-tour, mais sa terreur était bien plus grande à la pensée de reprendre sa marche en avant. Et cependant, il n’était pas question de revenir sur ses pas. Une partie de son esprit anticipait avec une incroyable rapidité sur la scène où il se voyait disant à Croft : « Mange-Japonais foutre pas bon. »
    Mais quelque

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