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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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falaise s’y précipitait de plusieurs centaines de pieds dans une vallée de pierre sise au centre de la chaîne d’où le Mont Anaka s’élevait, dans toute sa grandeur, montant aussi haut que portait le regard, amphithéâtre après amphithéâtre d’argile et de jungle et de rochers, s’étageant vertigineusement sur ce qui semblait être des milliers et des milliers de pieds. Ils n’en voyaient même pas le sommet ; il se perdait dans une touffe de nuages.
    « Jésus, est-ce qu’on doit escalader ça ? * haleta quelqu’un.
    Croft les regarda avec gêne. Cette phrase, de toute évidence, exprimait le sentiment général. Il était fatigué lui aussi, fatigué comme presque jamais encore, et il savait qu’il lui faudrait les entraîner pas à pas. « On mangera ici un morceau, puis on se remettra un route. C’est bien compris, oui ? »
    Un murmure déprimé lui répondit. Il s’assit sur une pierre, regardant au côté d’où ils venaient. Il voyait, à
    des milles au loin, les collines jaunâtres où ils furent embusqués et où, quelque part, Brown et ses hommes devaient voyager en ce moment. Plus au loin il percevait la lisière de la jungle qui bordait l’île, et au-delà la mer par laquelle ils étaient venus. Tout y était désert ; personne ne semblait y habiter, pas âme qui vive. La guerre, de l’autre côté de la montagne, était tout irréelle dans cet instant.
    Derrière lui le mont Anaka pesait dans son dos comme une chose humaine. Il se retourna, regardant le pic avec calme, sentant de nouveau le frisson indistinct que sa vue avait toujours provoqué en lui. Il escaladerait ça – il se le jurait.
    Cependant, -la résistance des hommes portait sur lui. Il savait qu’aucun d’eux ne l’aimait – et il ne s’en souciait guère – mais maintenant ils le haïssaient, il le sentait presque dans la qualité oppressive de l’air.
    Et il fallait bien qu’ils escaladent ça. S’ils échouaient, alors ce qu’il avait fait avec Hearn était mal ; il aura rué dans les brancards, il aura simplement désobéi à un ordre. Il en était troublé. Il devrait pour ainsi dire les porter sur son dos, et cela promettait d’être très difficile. Il cracha, et. fendit l’extrémité d’une boîte de rations. Comme en toute chose, il le fit nettement, expertement.
    Tard l’après-midi Ridges et Goldstein se débattaient avec Wilson. Ils s’avançaient avec une cruelle lenteur, faisant dix ou tout au plus quinze mètres, puis s’arrêtaient. Une fourmi voyageant en ligne droite aurait, littéralement, fait tout aussi vite. Ils ne pensaient ni à abandonner ni à continuer, ils ne prêtaient guère attention aux radotages de Wilson, et rien n’existait pour eux en marge de la chaleur et de l’effort sinon l’exhortation muette à persévérer. Ils ne parlaient pas, ils étaient exténués au-delà de toute parole, ils ne faisaient que se traîner comme des aveugles qui traversent une rue inconnue et terrifiante. Leur fatigue avait descendu tant de paliers, elle avait à tel point émoussé leurs sens, qu’ils étaient réduits au plus bas dénominateur commun de leur existence.
    Et, ainsi, pendant des heures, prêts à défaillir à tout moment, conservant néanmoins une dernière étincelle de clarté, s’étonnant malgré tout que l’ojn pût à ce point abuser de son corps sans le détraquer tout à fait.
    Pris d’un accès de fièvre, Wilson flottait à la dérive dans une pesante levée de brouillard. Les cahots du brancard lui devinrent presque plaisants dans leur lourde
    monotonie. Les rares paroles qu’il percevait, les rauques halètements de Ridges et de Goldstein, le son de sa propre voix – toute sensation entrait dans sa tête comme par autant de conduits individuels. La perception de ses sens était extrêmement aiguë, les secousses de la civière lui communiquaient chaque spasme qui torturait les muscles des porteurs, et par contre les souffrances dues à sa blessure lui semblaient atténuées comme si elles lui parvenaient de l’extérieur. Une chose cependant l’avait fui : il était sans volonté. Complètement passif, béat de fatigue, il lui fallait de longues minutes avant de prendre sur lui de dire un mot ou de porter la main à son front pour chasser un insecte. Et quand il s’y décidait, ses doigts immobiles s’attardaient un long temps sur son visage. Il était presque heureux.
    Il lui arrivait de divaguer à jet continu à propos de tout ce

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