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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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« Quesqué tu dis de bon, éclaireur ?
    – Oh ! rien », dit Martinez d’une voix basse. Il ne savait que répondre à des « quesqué tu dis de bon ? » et cela le mettait toujours mal à l’aise.
    « Tu devrais avoir un jour de repos, dit Polack.
    – Oui. » Il s’était montré un pauvre éclaireur la Veille, il avait tout fait à l’envers. S’il n’avait pas tué le Japonais – voilà où était la clef de toutes ses erreurs. Il ignorait quelles erreurs, mais il était convaincu qu’il en avait commis de nombreuses.
    « T’as rien vu, hein ? » demanda Gallagher.
    Martinez haussa les épaules, puis il vit que Polack regardait le sang coagulé sur sa main. Cela ressemblait à une salissure, mais il dit : « Japonais dans le col, moi tuer un. » Il se sentit soulagé.
    « Hein ? dit Polack. Qu’est-ce que c’est que tu nous chantes ? Ce lieutenant a dit que le col était désert, s
    Martinez haussa de nouveau les épaules. « Sacré imbécile. Lui discuter avec Croft, affirmer col vide après moi rentrer et dire voir Japonais. Croft lui dire Martinez bon soldat, savoir bien regarder, mais lieutenant pas vouloir écouter. Sacré têtu imbécile. »
    Gallagher cracha. « Fallait que t’as bousillé un Japonais et il t’a pas cru ? »
    Martinez fit oui de la tête, croyant pour lors que c’était la vérité. « J’ai entendu eux parler, sacré imbécile, je rien dire, Croft lui dire. » Toute la succession des événements était confuse dans son esprit. Il ne l’aurait pas affirmé sous serment, mais il avait bien l’impression de se souvenir d’un débat entre Croft et Hearn, Hearn persistant à vouloir traverser le col et Croft s’y opposant. « Croft moi dire la fermer quand lui parler à Hearn, lui savoir Hearn sacré imbécile. »
    Gallagher secoua la tête pour exprimer sa surprise. « Tu parles d’un entêté de con que ce lieutenant. Eh bien, il l’a eu son col.
    – Oui, il l’a eu, dit Polack. C’était bien embrouillé, tout ça. Si on vous dit qu’il y a des Japonais dans le col et que vous décidiez sans plus que c’est des blagues… C’était tout de même un peu trop bête". » Polack ne savait pas. Il éprouvait une agaçante frustration, comme s’il touchait quelque chose du doigt, quelque chose d’identifiable. Une colère s’emparait de lui, difficile à justifier.
    « Alors, comme ça, fallait que tu bousilles un Japonais », dit Gallagher avec une sourde admiration.
    Martinez fit oui de la tête. Il avait assassiné un homme, et s’il devait mourir à présent, s’il était tué dans ces montagnes, il périrait avec un péché mortel sur sa conscience. « Oui, moi tuer lui, dit-il, non sans une trace de réconfortante fierté,. Glisser derrière lui et crrréeh… » Il imita le son d’une déchirure, puis, claquant ses doigts : « Et le Japonais… »
    Polack rit. « Faut des couilles, tu sais. T’en as toi, Mange-Japonais. »
    Martinez inclina Ta tête, acceptant la louange avec modestie. Il oscilla entre la gaieté et la démoralisation au souvenir des dents d’or qu’il fit sauter à coups de talon dans la mâchoire du cadavre, et tout soudain il se trouva pris d’un accès d’angoisse et de désespoir. Ce péché non plus il ne l’avait pas confessé. Sa première réaction fut toute d’amertume.. L’absence d’un aumônier pour sauver son âme lui paraissait injuste. Le temps d’une seconde il songea à s’éclipser furtivement pour filer à travers les collines en direction de la plage, d’où il rentrerait au camp pour se confesser. Mais il sut immédiatement que c’était chose impossible.
    Il savait pour lors pourquoi il s’était laissé aller auprès de Polack et de Gallagher. Ils étaient catholiques tous deux, ils pouvaient le comprendre. Il était si absorbé dans ses pensées qu’il ne doutait pas que Polack et Gallagher en fussent à leur tour préoccupés. « Vous savez, dit-il, nous être blessés, nous claquer, et pas curé. »
    Les mots de Martinez cinglèrent Gallagher comme une serviette humide. « Qui, oui, c’est vrai », marmonna-t-il, happé d’un seul coup par une succession d’effrois et de déplaisantes anticipations. L’image se reconstitua dans son esprit de tous ceux de sa section qui furent blessés ou tués, et il se vit lui-même couché par terre et perdant son sang. La montagne serpentait au-dessus d’eux, et il fut pris d’épouvante. Il se demanda si Mary

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