Les Nus et les Morts
premier bataillon, 400" régiment). Nous serons prêts à bondir de l’avant dans quinze minutes. Quelle est notre mission ? Il me faut haranguer mes hommes. »
On lui reposait la même question depuis une heure, et chaque fois il avait mugi : « C’est une mission où il s’agit de saisir l’opportunité. Patientez, nom de Dieu. » Mais à présent il lui fallait répondre. « Portez-vous contre le dépôt japonais de ravitaillement, toutes communications radiophoniques coupées. » Il lui donna des coordonnées. « Quand vous serez prêt à attaquer, envoyez une radio et nous démarrerons l’artillerie. Si votre radio ne porte pas, nous donnerons ici le coup de partance dans une heure exactement, après quoi vous passerez à l’action. Vous avez pour mission de détruire le dépôt, et il faut que vous fassiez salement vite. Je vous dirai la suite plus tard. »
II raccrocha, consultât sa montre. Sous la tente la chaleur déployait de lourdes draperies. Dehors le ciel s’obscurcissait, et le feuillage bâillait mollement dans un soupçon de brise. Le front était silencieux. Un après-midi comme celui-ci, une demi-heure avant l’averse, on percevait généralement le moindre bruit, mais cette fois ci le silence était complet. L’artillerie attendait, occupée à faire ses derniers préparatifs, et pas même une mitrailleuse ou un fusil ne se faisaient entendre. Seul le sol s’ébranlait parfois et des mottes de terre giclaient au passage d’un tank. N’ayant pas d’emploi pour les tanks faute de terrain praticable dans la brèche, Dalleson leur faisait couvrir les positions affaiblies de son flanc gauche.
Il se rappela brusquement qu’il avait oublié de pourvoir ses troupes d’assaut de support antitank et, du coup, il grogna tout haut. Il n’était plus temps de faire avancer le matériel pour le commencement de l’offensive, mais peut-être n’était-il pas trop tard de l’y dépêcher en vue d’une éventuelle contre attaque japonaise. Il alerta la section antitanks du deuxième bataillon et leur fit prendre le chemin de la brèche. Combien de choses encore lui viendront à l’esprit ?
Et, bien entendu, il attendait, jurant par-devers soi à mesure que son inquiétude grandissait. Il avait pour lors la conviction que tout irait mal, et tel un garçonnet qui a culbuté un pot de peinture il espérait vaguement se tirer d’affaire d’une façon ou d’une autre. Ce qui le tourmentait le plus dans ce moment c’était de songer au temps que cela prendrait de ramener et de réassortir tout ce monde après que l’attaque aura failli. Cela demanderait au moins une journée entière – deux jours de perdus pour la construction de la route. Il en avait la tête cassée. Et, avec surprise, il se rendait compte qu’il avait monté une attaque en règle.
Dix minutes avant l’heure H le silence de la radio fut rompu. Toujours inaperçues de l’ennemi, les troupes d’assaut se trouvaient à deux cents mètres du dépôt de ravitaillement. L’artillerie ouvrit le feu et continua à tirer pendant une demi-heure, après quoi les troupes se mirent en marche et capturèrent le dépôt de ravitaillement en vingt minutes.
Dalleson recoupa les événements par degrés. On découvrit bien plus tard que les deux tiers du ravitaillement japonais furent capturés cet après-midi, mais Dalleson n’y songea guère ce soir-là. La nouvelle d’importance était que le général Toyaku et la moitié de son état-major furent tués au cours de cette même avance. Son Q. G., pris d’assaut, se trouvait à quelques centaines de mètres derrière le dépôt.
Les nouvelles étaient trop abondantes pour que Dalleson pût les assimiler sans plus. Il ordonna aux troupes de se retrancher pour la nuit, et entre-temps il fit monter au front tout homme qu’il put trouver. Le Q. G. et les divers services furent entièrement dépeuplés – avec la seule exception des cuistots. Au matin suivant il avait quinze cents hommes à l’arrière des lignes japonaises, et dans l’après-midi les troupes de flanc avaient à leur tour remonté le courant.
Cummings revint ce même jour du G. Q. G. de l’armée. Apres pas mal de plaidoiries, après avoir soutenu avec force qu’il ne lui était pas possible de terminer rapidement la campagne sans envahir Botoï Bay, il se vit octroyer un torpilleur. Le bâtiment, qui s’était mis en route immédiatement après le départ de Cummings, devait arriver en vue de
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