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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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il lui faudrait mobiliser tout son matériel roulant pour monter au front plus de ravitaillement et de munitions qu’il n’avait été prévu. Du beau gâchis en perspective. Un flamboiement de haine le saisit pour ce chef d’escouade qui, ce matin, avait mis en branle tout ce remue-ménage.
    II appela Hobart au téléphone pour lui dire de préparer un horaire de roulage, puis il s’en alla trouver Conn et lui exposa les événements.
    « Pardieu, vous vous passez la corde au cou, lui dit Conn.
    – Que diable voulez-vous que j’y fasse ? C’est vous le Deuxième Bureau. Pourquoi est-ce qu’il est désert, ce bivouac ? »
    Conn haussa les épaules. « Ces maudits Japonais vous tendent un piège. »
    Dalleson revint à sa tente mortellement déprimé. C’était un piège, et cependant il lui fallait s’y précipiter. Il grogna de nouveau. Les services d’Hobart s’employaient à dresser un horaire de roulage pour ravitailler les compagnies sur leurs nouvelles positions ; ceux de Conn passaient en revue de vieux rapports de contre-espionnage. Il y avait quelque chose de louche dans l’air. Eh bien, il lui faudrait tâtonner au petit bonheur, envoyer le gros de son artillerie dans la brèche, et espérer que les autres secteurs du front tiendraient avec ce qu’on leur aura laissé.
    Le bataillon de réserve ayant été alerté, il ordonna la mise en route du premier convoi. L’heure du déjeuner approchait, et il voyait bien qu’il lui faudrait s’en passer. La bière glacée lui donnait des crampes d’estomac. Il songea avec dégoût au fromage de conserve des rations. Il devrait pourtant s’en contenter en guise de repas.
    « Pas d’aspirine sous la lente ? meugla-t-il.
    – Non, mon commandant. »
    Il demanda à l’un des scribes de lui en apporter de l’infirmerie. La chaleur l’engourdissait.
    Le téléphone sonna. Windmill annonçait que sa compagnie était sur ses nouvelles positions. Quelques minutes plus tard l’officier commandant de la première compagnie prélevée sur le bataillon de réserve téléphonait qu’il se retranchait sur les flancs du saillant.
    Il lui fallait désormais faire passer en avant tout le bataillon. Il avait mal à la tête. Que feraient-ils, une fois en ligne ? A ce jour il avait toujours pu se référer à quelque précédent, mais ceci était la bouteille à encre.
    Le dépôt principal de ravitaillement des Japonais se trouvait à un mille et demi environ à l’avant des nouvelles bases de la compagnie E, et peut-être devrait il essayer de le capturer. Ou de le flanquer peut-être. Mais il n’arrivait pas à se représenter la situation. La trouée n’était qu’une trouée sur la carte. Il avait visité le front, il savait à quoi ressemblait un bivouac, mais il n’avait jamais compris avec exactitude ce qui se passait au juste. Il y avait des espaces vides entre les compagnies. Le front n’avait rien d’une ligne solide – c’était un chapelet de points séparés les uns des autres. Dans ce moment il avait des hommes derrière les points japonais et il en aurait davantage plus tard, mais qu’y feraient-ils ? Comment se prenait-on pour flanquer une défense ? Il eut la brève image d’une colonne d’hommes traînant le long d’une piste dans la jungle et pestant contre la chaleur, mais il ne réussit pas à rattacher sa vision aux cotes relevées sur sa carte.
    Un insecte rampait paresseusement sur sa table, et il le fit partir d’une pichenette. Qu’allait-il faire, par les cornes du diable ? Avant la nuit tout ne sera qu’un seul fatras. Personne ne saura où est son voisin, et jamais on n’aura fini de faire marcher les nouvelles lignes téléphoniques. La radio ne fonctionnera probablement pas, à cause des perturbations atmosphériques ou de quelque maudite Coline. Elle ne marchait jamais quand on en avait besoin. Jusqu’à présent on s’était débrouillé tant bien que mal, mais maintenant il lui faudrait faire venir Moonev, l’officier de transmissions, dont on avait pourtant grand besoin au service des transports. Le Deuxième Bureau devra veiller avec lui toute la nuit. Oh ! quel chambardement. Quel fardeau à se flanquer sur les reins – et juste aujourd’hui de tous les jours de la création. Si ça tournait en eau de boudin, il ne finirait jamais d’en entendre parler.
    Il avait envie de rire. Il éprouvait la stupide, l’involontaire hilarité de celui qui, ayant fait tomber un caillou sur la pente

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