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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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était trop troublante ; il lui fallait battre en retraite. Et il ne lui fut pas difficile de reculer. Il n’avait pas l’habitude de penser ses problèmes, et de plus son esprit était trop émoussé, trop décidément las. L’idée avait explosé dans sa tête, elle y avait ébranlé un grand nombre de tabous, mais la fumée s’était vite dissipée ne laissant derrière elle qu’une vague et gênante impression d’un naufrage, d’un changement. Quelques minutes plus tard seule sa gêne lui demeura ; il savait qu’il avait eu des pensées sacrilèges, mais quelles étaient ces pensées il l’ignorait. Il était de nouveau attelé à son faix.
    Mais quelque chose d’autre s’y mêlait encore. Il n’avait pas oublié qu’il avait donné de l’eau à Wilson, et il se souvenait comment Wilson avait dit : « Je brûle. » Ils coltinaient un homme déjà perdu, et cela voulait certainement dire quelque chose. Il se sentit un peu mal à l’aise à l’idée que Wilson risquait de le contaminer, mais une autre chose le troublait réellement. Détournées sont les voies de la Providence. La signification de tout ceci était ailleurs : On les éclairait par l’exemple, ou peut-être payaient-ils pour leurs propres péchés. Il ne s’y appesantit pas, et cependant il lui en vint une épouvante à quoi s’ajoutait le genre d’exaltation due à une extrême fatigue. Faut qu’on le ramène. Comme avec Brown, toutes les complexités et tous les malentendus s’éliminaient dans ce mandat impératif. Il baissa la tête, continuant à pousser de l’avant.
    « Dis, vous ferez aussi bien de me laisser. » Une larme mouilla les yeux de Wilson. « Ça sert à rien que vous vous tuez pour moi. » Il était en proie à une fièvre qui excitait une lourde et lancinante extase dans son corps. Il était consumé par le désir d’exprimer quelque chose. « Faut que vous me laissez. Allez-vous-en les gars. » Il serra les poings. Il voulait leur faire un présent, et son impuissance l’anéantissait. C’étaient de si bons gars. « Laissez-moi », se plaignait-il d’une voix d’enfant qui pleure après une chose qu’il n’obtiendra jamais.
    Goldstein prêtait l’oreille, tenté par le même inévitable enchaînement de rationalisations qui eurent raison de Stanley. Il se demanda comment en suggérer l’idée à Ridges, mais il garda le silence.
    « Tais-toi, Wilson, murmura Ridges. On va point te laisser. »
    Aussi Goldstein ne pouvait-il pas abandonner. Il ne s’y déciderait pas le premier ; il craignait que Ridges, embarquant Wilson sur son dos, ne continuât tout seul. Il aspirait à s’évanouir. Mais une syncope n’arrangerait rien. La désertion de Brown et de Stanley le mettait en colère. « Ils ont abandonné, pourquoi est-ce que je n’abandonne pas à mon tour ? se demandait-il tout en sachant qu’il n’en ferait rien.
    – Avez qu’à me laisser, allez-vous-en les gars.
    – On va te. ramener », marmotta Ridges. Lui aussi jouait avec l’idée de déserter Wilson, mais il la repoussa dans un sursaut d’horreur. Laisser mourir lin chrétien aurait été un meurtre, un épouvantable péché. Il songeait à la souillure noire qui en résulterait sur son âme. Depuis son enfance il imaginait son âme comme un objet blanc ayant l’aspect et le volume d’une balle de rugby et logé quelque part près de son estomac. Toutes les fois qu’il commettait un péché son âme blanche se couvrait d’une tache noire indélébile dont la grandeur dépendait de celle de la faute. A votre mort, si plus de la moitié de votre balle blanche était noire, vous alliez en enfer. Ridges était certain que le péché d’abandonner Wilson couvrirait au moins un quart de son âme.
    Et Goldstein se souvenait des paroles de son grand-père. « Yehuda Halévy écrivait que Israël est le cœur des nations. » Il piétinait, coltinant le brancard à force d’habitude, inconscient des maux qui ravageaient son corps. Son esprit s’était replié sur lui-même ; eût-il été aveugle, il n’aurait pas réussi à ce concentrer plus intensément Il suivait Ridges sans regarder où il allait.
    « Israël est le cœur des nations. » Il en était la conscience et le nerf mis à nu ; toutes les émotions du monde passaient par lui. Et il était plus que cela ; il était le cœur qui saignait toutes les fois que le corps avait mal,
    Et le cœur, maintenant, c’était Wilson. Goldstein ne se le

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