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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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gorge. Le bruit qu’il faisait le terrifia ; il se trouva tout à coup dans la haute herbe, son sang bu par la terre tiédie au soleil, les Japonais bavardant à quelques pas de là. « Ils vont m’avoir, ils vont m’avoir, hurla-t-il brusquement. Pour l’amour de Dieu, les gars, me laissez pas mourir. »
    Ridges l’entendit cette fois-ci, s’arrêta lourdement, posa le brancard par terre, se désempara de son harnachement. Avec des gestes lents et élaborés d’ivrogne qui s’efforce d’ouvrir une porte, il s’approcha de Wilson et s’agenouilla sous ses yeux.
    « Ils vont m’avoir », gémissait Wilson, le visage contorsionné, versant inconsciemment des larmes qui coulaient le long de ses tempes et se perdaient dans ses cheveux emmêlés.
    Tout en tripotant de ses doigts gourds les poils rugueux de sa barbe, Ridges se pencha sur le blessé. « Wilson, dit-il d’une voix rauque, un rien impérieuse.
    – Oui ?
    – -Wilson, y a encore temps de changer.
    – Que ?… »
    Ridges avait pris sa décision. Il n’était peut-être pas trop tard. Wilson n’était peut-être pas encore damné. « Faut que te reviens à notre Seigneur Jésus-Christ.
    – Euh. »
    Ridges le secoua doucement. « Y a encore temps de changer », dit-il d’une voix lugubre et solennelle. Goldstein les regardait, vaguement agacé. « T’iras au Royaume des Cieux. » Sa voix était si profonde qu’elle devenait à peine audible. Les mots frémirent lourdement dans la tête de Wilson, pareils à une basse de viole.
    « Euh-heuh, marmonna-t-il.
    – Tu te repens ? Te demandes pardon ?
    – – Oui ? » demanda Wilson. Il aspira une bouffée d’air. Qui lui parlait, qui l’embêtait. S’il consentait, on le laisserait en paix. « Oui », marmonna-t-il de nouveau.
    Des larmes emplirent les yeux de Ridges. Il se sentit exalté. « Mère m’a parlé de ce pécheur qu’a été sauvé sur son lit de mort », pensa-t-il. Il n’avait jamais oublié cette histoire contée par sa mère, mais il ne s’était pas imaginé qu’un jour lui aussi ferait quelque chose de tellement merveilleux.
    « Sortez de là, nom de Dieu de Japonais. »
    Ridges sursauta. Wilson aura-t-il déjà oublié sa conversion ? Il n’osait pas l’admettre. Si Wilson ne s’était repenti que pour retomber aussitôt dans le péché, sa punition serait doublement épouvantable. Aucun homme n’aurait jamais cette audace.
    « Rappelle-toi ce que t’as dit, grommelât-il presque férocement. T’as qu’à te surveiller. »
    Craignant d’en entendre davantage il se leva, fit le tour du brancard, arrangea la couverture sur les pieds de Wilson, puis reprit le collier. Goldstein s’étant apprêté à son tour, ils se remirent en route.
    Ils atteignirent lès abords de la jungle après une heure de marche. Laissant Goldstein avec la civière, Ridges explora le terrain sur sa droite à la recherche de la piste taillée quatre jours plus tôt. Il la découvrit à quelques centaines de mètres de là, et il ressentit une vague satisfaction de s’être montré si précis. De fait, il s’était dirigé presque instinctivement. Bivouacs permanents, chemins dans la jungle, bandes de plage, le confondaient toujours ; ils se ressemblaient les uns les autres ; mais, dans les collines, il s’orientait avec un sûr et facile instinct.
    Il revint vers Goldstein et une fois de plus ils reprirent leur marche, pour aborder la piste en quelques minutes. La végétation avait considérablement proliféré depuis leur passage, et les pluies avaient. détrempé le sol de la piste. Ils titubaient et glissaient fréquemment, leurs pieds alourdis sans prise dans la boue visqueuse. Eussent-ils été moins fatigués, ils se seraient aperçus de la différence ; ils auraient noté avec plaisir que le soleil ne les assaillait plus, et par contre la traîtrise du sol et la résistance des broussailles, des lianes, des ronces, les auraient exaspérés. Mais, de tout ceci, ils se rendaient à peine compte. Ils savaient pour lors qu’il n’y avait pas moyen de porter le brancard sans suer d’ahan, et le caractère particulier des obstacles leur était devenu désormais indifférent.
    Toutefois, la lenteur de leur avance s’accrut encore. Sur cette piste taillée pour le passage d’un seul homme, le brancard s’embourba à plusieurs reprises. Une ou deux fois il leur fut tout à fait impossible de passer, en sorte que Ridges dut embarquer Wilson sur.

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