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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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estomac palpitait et lui donnait mal au cœur.
    Il lui restait huit rations : trois de fromage, deux d’œufs au jambon, et trois de bœuf et de porc. Il savait qu’il ne les mangerait pas toutes ; elles ne faisaient qu’ajouter au poids de son sac. « Aaah, merde. » Il prit ses huit boîtes de rations, sépara avec son couteau la partie du carton qui contenait la confiserie, les cigarettes et les biscuits. Il fut sur le point de se débarrasser du reste, quand il songea que quelqu’un d’autre aimerait peut-être l’avoir. Il pensa à le leur demander, mais il se vit passant de l’un à l’autre, les mains chargées de boîtes et essuyant leurs quolibets. « Aaah, qu’ils aillent se faire foutre, c’est pas leurs oignons après tout », décida-t-il, jetant les provisions dans une touffe d’herbe. Il resta un temps sur place, son cœur cognant de rage, puis, se calmant, il se mit à faire son sac. « Voilà qui sera plus léger », se dit-il, se sentant repris de rage. « Qu’elle aille se faire enculer leur armée, qu’elle aille se faire enculer cette salope d’armée. C’est pas bon pour des porcs, leur camelote. » Il respirait avec précipitation. « Tuer et être tué pour cette merde de nourriture. » Quantité d’images embuaient son esprit, les usines où l’on foule et écrabouille et cuit les aliments de conserves, le bruit mat de la balle qui entre dans la chair, le cri de Roth.
    « Aaah, qu’il aille se faire foutre tout ce nom de Dieu de bordel. S’ils savent pas nourrir leur homme qu’ils aillent se faire foutre tous tant qu’ils sont. » Il tremblait si fort qu’il dut se rasseoir.
    Il lui fallait regarder la vérité en face. Il s’était fait posséder sur toute la ligne. Il avait toujours cru que si on lui écrasait trop les orteils, il réagirait au moment voulu. Et maintenant…
    La veille, il avait parlé avec Polack. Ils avaient spécifié à mots couverts sur Hearn, mais rien n’en résulta. Il savait ce qui lui restait à faire, et s’il se dérobait il n’était qu’un jaune. Martinez voulait rentrer. Et puisqu’il avait essayé de convaincre Croft, il devait savoir quelque chose.
    Le soleil brillait d’un vif éclat sur leur versant de la montagne, où les ombres pourprées prirent un ton lavande et bleu. Il loucha dans la direction du pic. Il leur faudrait toute la matinée pour grimper ça – et puis quoi après ? Ils tomberaient en plein chez les Japonais, qui les massacreraient en un rien de temps. Ils ne seraient jamais capables de refaire la montagne. Obéissant à une impulsion, il s’approcha de Martinez lequel était en train de faire son sac.
    Red hésita un instant. Presque tout le monde était prêt, et s’il s’attardait Croft ne manquerait pas de l’engueuler. Il n’avait pas encore serré sa couverture.
    « Aaah, qu’il aille chier », pensa-t-il, honteux et rageur.
    Il garda un bref silence, incertain de ce qu’il allait dire. « Comment va, Mange-Japonais ?
    – Ça va.
    – Ç’a pas marché pendant une minute entre toi et Croft, hein ?
    – Rien spécial », dit Martinez, évitant les yeux de Red.
    Red alluma une cigarette, écœuré de se voir prendre des
    détours. « Mange-Japonais, t-’es une espèce de trouillard.
    T’as envie de laisser tomber et t’as même pas assez de bide pour le dire. »
    Martinez ne répondit pas.
    « Dis, Mange-Japonais, ça fait un bout de temps qu’on est dans la danse, on connaît la putain de musique. Tu crois que ça sera drôle de monter cette pente aujourd’hui ? Y aura encore un ou deux gars qui se casseront la gueule sur les corniches, peut-être toi, peut-être moi.
    – Laisse-moi tranquille, marmonna Martinez.
    – Faut voir ce qui est, Mange-Japonais. Même si on traverse ça, on se fera péter une jambe ou un bras de l’autre côté. Tu veux attraper une balle toi ? » Tout en argumentant, il se sentait honteux. « Il y avait d’autres moyens de s’y prendre. Tu veux être estourbi ? »
    Martinez fit non de la tête.
    Les arguments se présentaient d’eux-mêmes à l’esprit de Red. « T’as tué ce Japonais, pas ? T’as seulement jamais pensé que ça rapproche ton propre tour ? »
    C’était un point de poids aux yeux de Martinez. « Je sais pas, Red.
    – T’as tué ce Japonais, mais t’en as seulement parlé à quelqu’un ?
    – Oui.
    – – Hearn le savait, hein, et il s’est avancé dans ce col tout en sachant qu’y avait

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