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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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suppose que ceux qui étaient de garde quand l’orage a éclaté, n’y sont pas. S’il s’en trouve ici qui devraient être ailleurs, ils feront bien de disparaître aussitôt que je tourne les talons. » Il y eut un rire gêné. La pluie ayant diminué, le gros de la compagnie s’était peu à peu assemblé autour du général. « Sérieusement, soldats, disait celui-ci. D’après ce qui nous a été communiqué, j’ai idée qu’il va y avoir des Japonais dans nos lignes cette nuit. Aussi vous ferez mieux d’être sur le qui-vive. Nous sommes plutôt loin du front, mais tout de même pas si loin que cela. » Il leur sourit, remonta dans la jeep, ses officiers le suivirent, et la voiture démarra puis disparut dans l’ombre.
    Hed cracha. « Je savais bien qu’on se la coulait trop douce depuis trop longtemps. Deux contre un qu’ils nous feront attraper la chiasse cette nuit. »
    Wilson approuva vivement de la tête. « Voilà pourquoi il faut pas rouscailler quand on se les roule. Tous ces bouche-trous qui voulaient de la bagarre, ils vont changer d’idée.
    – Dis, quel chic type, le général », intervint Toglio.
    Red cracha de nouveau. « Y a pas un seul général au
    monde qu’est chic. C’est tous des fils de garce.
    – Regarde, Red, protesta Toglio, où c’est que tu trouverais un général comme lui, -qui parlerait à un tas de biffins ? Je le trouve très bien, moi.
    – C’est un qui aime à plaire aux foules, voilà ce qu’il est, dit Red. Pourquoi foutre qu’il a besoin de nous raconter ses emmerdements ? J’ai assez de mes propres emmerdements. »
    Toglio soupira et se tut. Quel type contrariant, ce Red.
    La pluie avait cessé, et il songeait à s’en retourner à l’ancien emplacement de sa tente. Il se sentit déprimé à cette idée, mais il ne fallait pas se laisser aller – maintenant que l’orage était fini. « Allons-y, on fera mieux de penser à une place pour dormir », dit-il.
    Red grogna. « Pour le bien que ça tç fera… On sera là-haut, cette nuit. » Avec la descente du soir l’air redevenait suffocant.
    Le général était soucieux. « Conduisez-nous à la batterie un-cinq-un », dit-il au chauffeur quand la jeep eut quitté le parc automobile. Il se tourna vers le commandant Dalleson et le lieutenant Hearn, serrés sur le siège arrière. « Si les communications avec le deuxième bataillon sont coupées, nous aurons pas mal de marche à faire avant l’aube. » La jeep passa une ouverture pratiquée dans les barbelés, prit à droite, en direction du front. Le général scrutait le chemin d’un œil morose. C’était là de la mauvaise boue, et qui allait empirer. La voiture dérapait de côté et d’autre sur la route gluante, mais dans quelques heures cela allait devenir gommeux comme de l’argile et les transports s’y embourberaient jusqu’aux essieux. L’air sombre, il regardait la jungle qui flanquait la route de part et d’autre. Ils doublèrent un fossé où gisaient les cadavres putréfiés de quelques Japonais, et le général retint sa respiration. Quelque familière que lui fût devenue cette odeur, il la supportait toujours mal. Il fit une note mentale de faire dépêcher une équipe de nettoyage sur la route dès que le calme serait rétabli.
    La nuit arriva, et avec elle la menace latente d’un désastre. Il se faisait l’impression, dans cette jeep qui avançait avec lenteur dans le noir, d’être suspendu dans les airs. Le ronron régulier du moteur, le mutisme de ses compagnons, et le lourd, le moite bruissement de la jungle, semblaient l’avoir désincarné. Seul lui restait le travail accéléré de son cerveau. Isolé dans l’espace, il devait, solitaire, supputer et résoudre son problème. L’orage, qui s’était abattu avec une rapidité incroyable, avait suivi à la trace une attaque japonaise. Dix minutes avant le commencement de l’averse un message du deuxième bataillon lui avait annoncé qu’un feu nourri venait d’éclater dans leur secteur ; et là-dessus la tempête hachura en pièces les lignes téléphoniques, son Q. G. fut rasé, la T. S. F. arrêta de fonctionner. Il n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait au front. Il se pouvait qu’Hutchins eût eu à battre en retraite ; il se pouvait que, pris d’une frénésie pareille à celle de la tornade, les Japonais eussent troué ses lignes en un certain nombre de points. Comment, ne recevant pas ses ordres, ils avaient

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