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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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chanceuse, notre section, y a pas à chiquer qu’on a le mauvais lot, mais tout ce que je demande c’est qu’y a personne de bousillé cette nuit. » Il regarda droit devant lui, dans le noir. « J’ai bien de la chance d’être ici, se dit-il ; je suis bien content que je suis pas dans les chaussures de Martinez. Ça va drôlement chauffer cette nuit, et je suis pas bon. J’en ai eu ma part à cavaler dans un champ avec une mitrailleuse qui me crachait dans le dos ou à nager dans la flotte la fois que les Japonais ils nous ont canardés avec leurs canons antiaériens. Je suis fier d’être sergent, mais y a des fois que je voudrais être tout juste un simple biffin et ruer dans les brancards comme un Roth. Faut que je me débrouille tout seul parce que personne le fera pour moi. et j’ai assez sué comme ça pour pas me faire bousiller maintenant. »
    Il éprouva du doigt un des ulcères qui couronnaient sa bouche. « Nom de Dieu, se dit-il, j’espère seulement qu’y a personne d’amoché cette nuit. >
    Le convoi de camions s’avançait obstinément dans un lit de boue. Bien que l’escouade de la section de reconnaissance n’eût quitté le bivouac que depuis une heure, il semblait à chacun que le voyage durait depuis un long temps. Comme il y avait vingt-cinq hommes par camion et seulement douze places assises, plus de la moitié des occupants s’entassaient sur le plancher dans un fouillis de jambes, d’armes et de bardas. Tous fondaient en sueur dans les ténèbres, et la nuit paraissait extraordinairement dense. Flanquant la route, la jungle exsudait l’humidité.
    Personne n’avait rien à dire. Quand ils prêtaient l’oreille, ils pouvaient entendre la tête du convoi qui ahanait le long d’une côte. Parfois le camion qui les suivait s’avançait assez près, et alors ils distinguaient ses lumières camouflées, pareilles à deux minuscules chandelles dans la brume. Un brouillard flottait sur la jungle et, dans le noir, les hommes se sentaient dénudés.
    Wyman était assis sur son barda. Quand il fermait les yeux et se laissait aller au roulis du camion, il se faisait l’impression d’être dans le métro. La tension s’était un peu relâchée qui l’avait saisi quand Croft était venu leur dire d’emballer leurs frusques et de se tenir prêts, et maintenant son esprit flottait entre l’ennui et de vagues ressouvenances. Il pensait au temps où il avait accompagné sa mère dans un voyage en autobus, de New York à Pittsburgh. Ca été tout de suite après la mort de son père, et sa mère allait voir ses parents à elle pour des questions d’argent. La démarche s’était révélée vaine, et à leur voyage de retour, dans un autobus de nuit, lui et sa mère avaient parlé de leur situation et décidé qu’il devrait chercher du travail. Il y repensait avec une sorte d’étonnement. C’avait été la nuit la plus importante de sa vie, et maintenant il faisait un autre voyage, bien plus mémorable, sans qu’il eût la moindre idée comment cela finirait. Il se sentit majeur, presque mûr, pendant un moment : ces choses eurent lieu peu d’années auparavant, et les voici déjà insignifiantes. Il essaya d’imaginer le front, la bataille, reconnut qu’il lui était impossible de se les figurer. Il s’était toujours représenté une bataille comme quelque chose de violent, qui se poursuivait sans arrêt, durant des jours et des jours. Mais depuis son arrivée dans la section rien ne s’était produit. Pendant plus d’une semaine tout avait été paisible et délassant.
    « Est-ce que tu crois qu’on sera vraiment dans la bagarre, Red ? demanda-t-il doucement.
    – Demande au général », gouailla Red. Il aimait bien Wyman, mais il s efforçait de paraître inamical parce que le jeunot lui rappelait Hennessey. La nuit à venir lui inspirait la plus profonde répugnance. Il avait participé à tant de combats, connu tant de terreurs, vu tant d’hommes tués, qu’il ne se faisait plus d’illusions quant à sa propre invulnérabilité. Il savait qu’il pouvait être tué ; c était quelque chose qu’il avait accepté, qu’il avait entouré d’une coquille protectrice pour mieux s’en isoler – si bien qu’il y pensait rarement. Toutefois, depuis quelque temps, il se trouvait en proie à une inquiétante sensation qu’il n’avait pas encore traduite en mots, et qui lui pesait. Jusqu’à ce que Hennessey fût tué, il avait regardé la mort de

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