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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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qu’il éprouvait un besoin désespéré d’y réagir. Il savait cependant que s’il ouvrait la bouche il se mettrait à pleurer de rage ; aussi gardait-il le silence, s’efforçant de regagner son calme.
    Un soldat s’approcha d’eux. « C’est vous les gars Reconnaissance ? demanda-t-il.
    – Oui, dit Croft.
    – Bon. Vous voulez me suivre ? »
    Ils ramassèrent leurs affaires et se mirent en marche dans le noir. Il était difficile de voir celui qui vous précédait. Quand ils eurent parcouru quelques centaines de mètres, le soldat qui leur servait de guide s’arrêta. « Attendez ici », dit-il.
    Red jura. L’artillerie recommençait à tirer, avec un bruit qui résonna très fort. Wilson laissa tomber son barda. « Dans une demi-minute y a un pauvre couillon qui va l’avoir sur le coin de la gueule », chuchota-t-il. Il soupira, s’assit sur le sol humide. « On penserait pourtant qu’y a mieux à faire pour une escouade que de marcher en rond toute la nuit. Je sais plus si que j’ai chaud ou froid. » Une lourde et moite brouillasse rampait au ras du sol, et les hommes frissonnaient et transpiraient dans leurs uniformes trempés. Des obus japonais atterrissaient à un mille de là, et les hommes écoutaient en silence.
    Une section défila devant eux, levant un tintement de canon de fusil contre la tôle des casques. Une fusée monta tout près, et dans la lueur qui s’ensuivit les hommes eurent l’air de silhouettes noires qui se déroulent en face d’un projecteur. Leurs fusils faisaient des saillies bizarres, et leurs bardas leur donnaient une apparence difforme et biscornue. Le bruit de leur marche était confus ; comme celui du convoi, il ressemblait au murmure du ressac. La lueur de la fusée s’éteignit, et la colonne passa son chemin, traînant dans son sillage le doux cliquetis métallique de ses fusils. Une escarmouche éclata à quelque distance de là, et ils entendirent la sonorité caractéristique des fusils japonais. « Écoute-les, dit Red à Wyman. Tic-boum, tic-boum. Tu peux pas t’y tromper. » Des fusils américains retournèrent le feu, produisant un écho plus puissant, semblable à des coups de ceinture sur le plat d’une table. Wyman bougea nerveusement. « A quelle distance tu crois qu’ils sont, les Japonais ? demanda-t-il à Croft.
    – Du diable si je sais. Tu les verras bien assez vite, petit gars.
    – Mon œil, qu’il verra, dit Red. On va poireauter ici toute la nuit. »
    Croft laissa filer un crachat. « C’est pas toi qui trouveras à y redire, pas vrai, Valsen ?
    – Pas moi. Je suis pas un héros. »
    Quelques soldats passèrent dans le noir, quelques camions y firent halte. Wyman se coucha sur le sol. Il avait un peu de chagrin que, pour sa première nuit au front, il eût sommeil. Sa chemise, quoique trempée, buvait l’humidité du sol, et il se rassit en frissonnant. L’air était suffocant. Si seulement il pouvait allumer une cigarette.
    Une demi-heure s’écoula avant qu’il leur fût ordonné de se remettre en marche. Croft se leva et suivit le guide, et les autres se traînèrent dans son ombre. Le guide les conduisit dans un bouquet d’arbrisseaux où une section d’hommes se tenait autour de six canons antichars. C’était des arme/ de petit calibre, de six pieds de long, au fût très svelte. Sur un terrain plat et dur, un homme aurait pu tirer son canon sans trop de difficulté.
    « On monte au premier bataillon avec les gars des antichars, dit Croft. Faut qu’on coltine deux de ces canons. »
    Il leur dit de se rassembler autour de lui. « Je sais pas comment qu’elle va être, cette gadouille de piste, dit-il, mais c’est pas difficile à deviner. On sera au milieu de la colonne, nous autres, alors je vais nous partager en trois groupes de trois hommes. Comme ça y aura un groupe au repos à tour de rôle. Je prends Wilson et Gallagher, Martinez peut prendre Valsen et Ridges, et toi Toglio tu auras ce qui reste – Goldstein et Wyman. »
    Il s’en fut parler à un officier pendant quelques secondes. « Bon, le groupe de Toglio prendra le premier repos », dit-il quand il fut de retour. Il passa derrière un des canons et lui donna une secousse. « Il va être lourd, le fils de pute. » Wilson et Gallagher se mirent à haler avec lui, et les autres sections, divisées à leur touf en groupes de trois par canon, commencèrent à s’ébranler. Ils traversèrent le camp et sortirent par une

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