Les Nus et les Morts
quand tu es au lit tu ressembles tout à fait à un singe. »
Il y avait une trace d’exaspération, maintenant, dans sa gaieté. Ses membres étaient fiévreux. Jésus, quelle situation.
Mais, le matin venu, Hearn ne fut plus sûr que quelque chose s’était réellement passé.
LE CHŒUR :
LES FEMMES
La deuxième escouade creuse une nouvelle latrine. C’est l’après-midi ; le soleil, qui perce à travers une fente dans les cocotiers, rejaillit brillamment sur le monticule de terre crue. Minetta et Polack sont dans le trou, ils travaillent sans se presser. Ils sont torse nu. Sur leur pantalon, au-dessous de la ceinture, une large bande de moiteur fait tache. Toutes les dix ou quinze secondes une pelletée de terre prend de la hauteur et retombe avec un bruit mou sur le tas qui s’amoncelle à côté de la latrine.
Minetta (soupirant). – Toglio, ce chançard de Macaroni. (Il pose son pied sur la pelle.) Tu crois qu’on a de la chance d’être ici ? Là-haut on peut attraper la bonne blessure et se faire renvoyer à la maison. (Il ricane.) Et puis quoi, y a pas de mal s’il peut pas bouger son coude comme tout le monde.
Polack . – Qui est-ce qu’a besoin d’un coude pour baiser ?
Brown (Il est assis sur une souche d’arbre, à côté du trou). – Oui, laissez-moi vous dire quelque chose, les gars. Toglio va rentrer chez lui pour trouver que sa femme court la ville avec tout ce qui porte un pantalon. Y a pas une femme à qui on peut faire confiance.
Stanley (Il s’étale à côté de Brown). – Oh ! je ne sais pas moi, j’ai confiance dans ma femme. Y a toutes sortes de femmes.
Brown (amèrement). – C’est toutes les mêmes.
Minetta . – Oui, eh bien, j’ai confiance dans ma copine.
Polack . – Je leur ferai pas confiance pour un sou, à ces garces.
Brown (se triturant le nez avec ardeur). – C’est ce que je crois. (Il s’adresse à Minetta, qui s’est arrêté de piocher.) Tu fais confiance à ta copine, hein ?
Minetta . – Sûr, que j’y fais. C’est pas elle qui lâchera, quand elle tient le bon bout.
Brown . – Tu crois que ton bout de bidoche il vaut mieux que celui d’un autre ?
Minetta. – J ’ai pas encore perdu au jeu.
Brown . – T’es qu’un gosse, si tu veux savoir. Tu sais pas ce que c’est, une bonne paire de fesses… Dis-moi, Minetta, t’as seulement jamais pris ton temps pour enlever tes godasses avant de tirer un coup ? (Stanley et Polack éclatent de rire.)
Minetta . – Hi-ha.
Brown . – Ecoute voir, Minetta. T ’as qu’à te demander une ou deux questions. Est-ce que tu crois que t’as quelque chose de spécial, toi ?
Minetta . – C’est pas à moi de le dire.
Brown . – Eh bien, moi je te le dis, t’en as point. T’es un gars tout ce qu’y a d’ordinaire. Y a pas un de nous tous qu’à quelque chose de spécial, ni Polack ni toi ni Stanley ni moi. On est tout juste une bande de troufions. (Il prend plaisir à s’écouter.) Bon, eh bien, quand on est à la maison et qu’on le leur fout toutes les nuits, ça, elles sont tout ce qu’y a de minou-minette. Oh ! alors y a rien qu’elles feront pas pour toi. Mais la minute que tu tournes les talons, elles commencent à penser.
Minetta . – Oui, ma Rosie elle pense à moi.
Brown . – Tu paries qu’elle pense. Elle commence à penser que c’était bien bon de se faire visser réglo. Dis, elle est jeune ta copine, et si qu’elle est aussi belle que ma femme, tu veux pas qu’elle gâche son temps, dis ? Y a des tas de types qui tourniquent autour, des tas de civils et de commandos de pouponnière, et avant longtemps ta Rosie elle se laisse embobiner dans des rendez-vous, et la voilà qui danse, et la voilà qui se frotte contre un gars…
Minetta . – Rosie m’a écrit qu’elle va pas danser. (Polack et Brown rient.)
Polack . – Il croit ce qu’elles disent, les putes.
Minetta . – Eh bien, j y ai fait la preuve cent fois, et je l’ai jamais encore attrapée dans un mensonge.
Brown . – Ça prouve seulement qu’elle est plus maligne que toi. (Stanley fait entendre un rire mal assuré.) Dis, elles sont pas différentes de toi ou de moi, surtout celles qui se sont fait bourrer. Elles aiment ça tout autant que les hommes, et ça leur est foutrement plus facile qu’à nous.
Polack (voix de fausset). – Je sais pas pourquoi j’ai pas plus de succès avec les filles… Je suis si facile à tomber. (Tous rient.)
Brown . – Qu’est-ce que tu crois
Weitere Kostenlose Bücher