Les panzers de la mort
l’Iran ou la Syrie, je ne sais plus, mais c’était une folie et les Russes nous le firent bien voir. Quand on est arrivé en vue de Tuapse, avec toute la ménagerie, on a eu une bonne surprise : Ivan avait abattu une forêt entière de gros acajous d’un mètre et demi de diamètre,, sur l’unique route praticable ; tout le reste, c’était forêt vierge et marais ! Les acajous étaient sciés par terre, et, au dernier tournant, voila tout qui se met à flamber. Il y en avait des montagnes !
Les pionniers de la 94 e et de la 74 e travaillaient comme des forçats pour dégager le chemin avec les plus gros tracteurs de l’armée mais Rien à faire ! Nous étions prêt de rôtir comme une oie de Noël. et, dans le maquis, Il y avait Ivan qui nous tirait dessus. Naturellement, la panique s’y met et voila tout le monde qui se défile en vitesse. Mais nous avons encore eu de la chance, parce que tous ces arbres gênaient les Russes dans leur poursuite. Enfin, au bout de quelques jours, le corps d’armée était rassemblé et on s’est traîné vers la mer Caspienne. Tout ça, bien sûr, pour le pétrole, comme vous pensez ! Al ben ouiche ! Quand on est arrivé sur la route stratégique de Géorgie, Il était encore à des centaines de kilomètres, le premier puits de pétrole !
– Bon Dieu ! s’exclama Pluto. La route stratégique de Géorgie… on n’est pas près de l’oublier ! Un ruisseau de boue ! Toutes les voitures qui y restaient !
Stege se tapa sur les cuisses : – Tu te souviens ? Les 623 dérapaient sur leurs chaînes et aplatissaient les poteaux du télégraphe comme des allumettes ! Et aussi les motards… des pains à cacheter dans la mélasse ! Damnée route stratégique… toute la ménagerie ressemblait à un bouchon dans un fût de vin… !
L’obscurité envahissait la salle d’armes et on entendait les recrues qui revenaient en chantant de l’exercice en campagne.
– Qui veut prendre un bain de bière ? cria Porta, en vidant la grosse chope sur la tête de la blonde serveuse.
Il lança en l’air la chope qui retomba sur le comptoir en éclaboussant à la ronde.
Une bagarre s’ensuivit avec un vaurien nommé « Petit-Frère ».
Ce fut un des grands jours de la cantine.
PETIT-FRÈRE ET LE LÉGIONNAIRE
LA 2 e section fut affectée à l’une des usines où l’on fabriquait les chars lourds. Les combattants, qui avaient l’expérience du front, étaient chargés d’en faire les essais et d’indiquer les emplacements des canons.
Pour nous, c’était une vie magnifique, même s’il fallait travailler quinze ou seize heures par jour. La caserne était loin, on pouvait se fondre facilement parmi les centaines d’ouvriers civils de toutes nationalités ; Porta se comportait comme un grand cerf à la saison du rut, et il y avait bien deux mille ouvrières et femmes d’employés qu’il considérait comme sa propriété personnelle. Les vieux contremaîtres nous accordaient facilement des fiches de sortie, mais un jour, cependant, Pluto dépassa la mesure : Il vola un camion, fit la tournée des bistrots, puis, saoul comme une vache, finit par ficher le lourd véhicule dans un mur, à 3 mètres du poste de police.
Cet exploit ne lui valut que quinze jours de taule, grâce à la complicité bienveillante d’un contremaître, mais von Weisshagen y ajouta, devant le front du bataillon, un sermon pathétique où Pluto se voyait qualifié « d’opprobre de l’armée ».
Comme la prison militaire était bondée, le destin envoya Pluto partager le lit, le pain, et la cellule du sous-officier Reinhardt, qui tel Job, gisait sur son fumier oublié de Dieu et des juges militaires. Il y demeura d’ailleurs, jusqu’à l’arrivée des Américains en 1945, et fut promu par eux, inspecteur de prison. La justice exige de dire qu’il fut un excellent et consciencieux gardien. A cheval sur le règlement, Il l’appliqua avec un zèle si intempestif, que trois ans plus tard on le rendit à son état de prisonnier et Il dut, la mort dans l’âme, abandonner l’uniforme qui lui seyait à ravir.
Le lieutenant Halter, notre chef de section, qui réprouvait notre conduite, finit, de guerre lasse, par renoncer à ses engueulades et noyait, à la cantine, l’idéalisme de ses 19 ans, en compagnie de quelques vétérans. Ils le mirent au fait d’un programme plus raisonnable pour le 3 e Reich : parler beaucoup des devoirs envers le Parti et en faire le
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